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Politique

Pouvoir d’Etat : Soro Guillaume, l’homme de son temps, selon Tiburce Koffi

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Pouvoir d’Etat : Soro Guillaume, l’homme de son temps, selon Tiburce Koffi

Dans un éditorial publié sur guillaumesoro.ci, Tiburce Koffi affirme que Guillaume Soro est l’homme de son temps. Par conséquent, estime-t-il, le président de l’Assemblée nationale est apte à être l’homme de son pays, c’est-à-dire, prêt à présider aux destinées de la Côte d’Ivoire.

Lire l’intégralité de l’éditorial

14 mai 2017. A la cérémonie d’investiture d’Emmanuel Macron à l’Elysée, Laurent Fabius, Président du Conseil constitutionnel de France, a sorti des mémoires de la littérature française, cette réflexion empruntée à Chateaubriand, à l’endroit du nouveau chef d’Etat : « Pour être l’homme de son pays, il faut être l’homme de son temps ». Alors, sur un ton solennel à souhait, il a salué en Macron, l’homme de son pays, après qu’il a été l’homme de son temps.

Cette équation que Chateaubriand établit entre « l’homme de son temps » et « l’homme de son pays » se résume, dans le fonds, en une seule réalité : l’homme historique ; c’est-à-dire celui-là qui, plutôt que d’être agi par l’Histoire, l’agit et l’agite. L’Homme historique est à la fois un produit de l’Histoire et un producteur d’Histoire (s). Il est à la fois la truelle et le maçon, célébrant, dans sa gestique et son parler, son agir et son penser, une relation fusionnelle entre le Temps et lui. Oui, parce qu’il a été dans le Temps et non la proie du Temps ; parce qu’il aura refusé d’être matériau informe et manipulable à souhait pour devenir plutôt conscience pensante et agissante, l’homme historique sera toujoursl’homme de son temps. Telle est la double articulation qui permet de mieux saisir la posture actuelle de Guillaume Soro (indiscutablement l’homme de son temps), face au défi majeur qui l’attend inévitablement : devenir l’homme de son pays.

Stupéfiante et fabuleuse, est la trajectoire de ce jeune homme. Il y a de cela 22 ans (en 1995), il s’imposait à la curiosité des medias ivoiriens par sa forte capacité de mobilisation d’une part qualitativement importante de la jeunesse du pays : la jeunesse scolaire et estudiantine réunie au sein de la Fesci. Dans l’idée et son organisation, la Fesci est fille de la FNMJCI (Fédération nationale des Mouvements de Jeunesses de Côte d’Ivoire) créée et animée au cours des années 1980 par Amoi Urbain et Kouaho Léopold. Jugée suspecte et potentiellement subversive, la FNMJCI fut dissoute par le pouvoir, sur instruction de Dona-Fologo qui mena guerre rude contre Amoi Urbain. C’est une autre histoire à conter, demain, à ce peuple et surtout à sa jeunesse frappée de cruelle amnésie…

Guillaume Soro fut donc déclaré « L’Homme de l’année » à un referendum d’Ivoir’Soir, un quotidien ivoirien de forte audience, disparu. Héraut d’une jeunesse urbaine ivoirienne terrifiée par l’avenir (le diplôme ne donnant pratiquement plus aucun travail — pendant que Konan Bédié et ses satrapes du Pdci-Rda jouissaient impunément des richesses du pays), Guillaume Soro et ses camarades… (plutôt ses « parents ! ») opteront pour la contestation syndicale et politique, sans concession. Historiquement, ces jeunes gens s’inscrivaient, en réalité, en droite ligne du syndicalisme enseignant du secondaire qui s’affirma, depuis l’ère de Djéni Kobina son premier secrétaire général, par la proclamation de son autonomie, et sa forte propension à la revendication — une véritable profession de refus du parti unique ! Un défi à Houphouët-Boigny !

[Présence et charisme]

La Fesci dont Guillaume Soro est l’émanation la plus visible, naît ainsi au début en ces d’années 1990. Ses animateurs et militants sont des jeunes gens encore dans la vingtaine, et des teenagers. Ils sont, sur le plan générationnel, issus de vers la fin des années 1960 et de la première moitié des années 1970. Ce sont nos cadets immédiats, et même presque nos enfants à nous autres des années 1950. Nous les avons eus comme élèves, et comme étudiants. Le discours qu’ils tiennent porte le spectre du matériel verbal que nous leur avons enseigné. Ce n’est pas qu’un discours de la contestation ; c’est l’affirmation brouillonne d’une éducation nouvelle fondée sur la protestation tous azimuts et la remise en cause de l’ordre ancien. C’est toute une syntaxe du refus, savamment conçue par les maîtres de la grammaire de la révolution — ces enseignants ‘‘rouges’’ aussi bien du Secondaire (par le biais du Synesci) que du Supérieur (Synarès), que nous étions. Germinal, Les bouts de bois de Dieu, L’œil, La mère, Chaka, Cahier d’un retour au pays natal, Antigone, Le manifeste du Parti communiste, Que faire ?, etc., et les livres d’Histoire sur les mouvements d’accession à l’indépendance ! On n’enseigne pas tous ces livres innocemment ; et ceux qui ont été instruits, consciemment, par ces textes, n’en ressortent pas toujours indemnes.

La Lidho, le Synarès, l’université d’Abidjan et ses héros du savoir : Françis Wodié, Barthelemy Kotchy, Niamkey Koffi, Bernard Zadi, François, Marcel Etté, Biaka, Bamba Moriféré, Séry Bailly, Atsain François, Gouda Victor, Koffi Denos. Voilà, entre nombreux autres, les hommes qui guideront le parcours, bruyant, trop bruyant, de ces jeunes gens qu’ils forgeront à l’enclume de la contestation politique. En dehors de l’espace universitaire trop spéculatif, voire trop abstrait, ces jeunes rencontreront aussi d’autres hommes et entendront, conséquemment, d’autres voix qui leur indiqueront d’autres voies : Soumah Yadi, Laurent Akoun, Laurent Gbagbo. Quelques-uns d’entre eux auront le privilège de bénéficier des enseignements de Désiré Tanoé, considéré par tous comme le grand Maître de la gauche ivoirienne. Il constitue, avec Mémel Fôtê, le duo d’instructeurs qui ont formé Bernard Zadi à la politique.

Mais celui qui aura le plus la mainmise sur ces jeunes gens est, sans conteste, Laurent Gbagbo. Ce dernier est un redoutable homme de terrain. Il n’a pas la qualité du verbe, flamboyant, de Bernard Zadi, ni la syntaxe fluide de Séry Bailly, ni même la concision scientifique et rigide de la prose du révolutionnaire-bourgeois Bamba Moriféré ; mais Gbagbo a le précieux avantage de connaître le langage (peu raffiné) de ces jeunes gens. Plus et mieux : inflexible dans ses prises de position, il est d‘un courage proche de la témérité et de l’esprit suicidaire ; toute chose qui fascine ces jeunes.

Non, on ne fréquente pas tous ces gens sans éclaboussures. Ils ont considérablement influencé notre génération ; ils marqueront au fer rouge celle de nos cadets et de nos enfants. Martial Ahipeaud, Blé Guirao, Eugène Djué, Charles Blé Goudé, Guillaume Soro, Damanan Pickas…, sont issus de ce contexte historique. Leurs discours, radical, sans relief et sans nuance, est marqué par la phraséologie inquiétante de ceux-là que l’essayiste Hans Enzensberger appelle « Les rêveurs d’absolu » ; appellation qui désigne les premiers disciples des temps primitifs et exaltés de la révolution, dans la Russie du XIX è siècle, et dont Bakounine est le grand et redoutable précepteur. Doumbia Major et ses textes orageux, ravageurs, aussi offensifs qu’offensants, sont les avatars de cette haute culture du verbe agressif que nous avons enseignée à cette génération de jeunes ivoiriens !

[La génération Soro : notre produit]

Disons-le plus nettement donc, avec un soupçon d’aveu sans honte : ces jeunes gens, ces cadets, ces enfants, étaient (et le demeurent) nos produits. Pourquoi le nier ? S’ils sont des monstres, c’est que nous avons été des Frankeinsten. Et, oui, nous l’avons bel et bien été — la créature porte toujours les qualités et défauts du créateur : Satan abrite le pouvoir et les tares de Yahvé !...

Non, les méthodes (la violence et le désordre ‘‘bakouninien’’) de ces jeunes gens n’étaient pas les nôtres. Cette furieuse éloquence (Enzensberger) qui caractérise leur discours, n’est pas nôtre non plus. Nous fûmes, nous, de gentils contestataires — de petits bourgeois d’une gauche ‘‘caviar’’ en latence. Et c’est tout juste si le Président Houphouët-Boigny (nous prenait-il même vraiment au sérieux ?) ne voyait pas en nous des enfants gâtés ; en somme, de petites chèvres farfelues de Monsieur Séguin, qu’il écoutait de manière condescendante ! Mais nous avions des raisons de n’avoir pas été des radicaux : notre pays était un oasis social au milieu d’un désert de misères (l’Afrique sous régionale) — une pensée du ‘‘’Vieux’’. Plus qu’un respectable patriarche, « le Vieux » était un monument historique vénéré de tous et partout. Il n’était pas qu’à la tête du pays, il en était surtout la tête. Comparés à lui, Konan Bédié, Gbagbo Laurent, Alassane Ouattara et Charles Konan Banny, sont vraiment du menu fretin ! Et c’est la raison pour laquelle ces leaders-là ne m’impressionnent pas, et ne peuvent pas m’impressionner : celui qui est passé à côté de la panthère, ne peut pas avoir peur d’un chat, aussi gros soit-il ! Tout de même !

Bref, Guillaume Soro et ses camarades ont été de toutes les batailles sociales et politiques en Côte d’Ivoire, depuis les années 1990 jusqu’aujourd’hui. Et ils avaient des raisons d’avoir mené ces combats. Oui, cette société ivoirienne figée (comme elle l’est encore aujourd’hui) par 30 années d’houphouétisme pas toujours sain ni vraiment productif à souhait (malgré des réussites relatives), ce régime vieillot, lassant, sclérosé, ne vivant que dans le passé (le social quotidien des citoyens ne les intéressait plus), ces mêmes visages, ces mêmes discours ronronnants, sans prise réelle sur l’actualité et les soucis des jeunes, étaient vraiment passés de mode…

Ma génération n’a appris la Révolution que par les livres ; celle de ces jeunes l’a apprise par et dans l’action. Conformément à la morale (jamais démentie) de l’Histoire, elle a dégagée des figures fortes, charismatiques : Martial Ahipeaud, Blé Goudé, et surtout Guillaume Soro dont la trajectoire, flamboyante, a atteint son point d’acmé en 2002 quand ce jeune homme accepta de se faire porte-parole de la rébellion. Un acte d’une responsabilité aussi grave qu’effrayante, et qui souligne la force de caractère de ce garçon.

Disons-le sans hésiter : Guillaume Soro n'a pu réaliser la rébellion de 2002 avec ses seuls moyens. Il n’a pu réunir à ses côtés, et à lui seul, la France et la Communauté internationale, l’Onu, autour de ce projet déstabilisateur à grande échelle de la haute Institution républicaine ivoirienne. Ceci n’altère en rien sa part de fautes et de mérites, ni sa part de culpabilité ou d’innocence dans cette sombre affaire nationale.

La rébellion ! Ce fut l’événement majeur de ce début, incandescent, de millénaire. Par elle, son porte-parole s’affirmait définitivement comme l’homme de son temps. A l’issue de huit années de conflits d’intensité variable, et avant l’âge de 40 ans, Guillaume Soro devint tour à tour : ministre, ministre d’Etat, Premier ministre (par deux fois), député (par deux fois), Président de l’Assemblée nationale (par deux fois). Jamais, dans l’histoire politique moderne de notre pays, un Ivoirien n’a atteint un tel niveau d’affirmation politique et de responsabilités d’une telle hauteur. Que lui reste-t-il à devenir, sinon l’homme de son pays, après avoir été, indiscutablement, l’homme de son temps ? Ce ne serait que juste et logique conséquence d’un parcours aussi sidérant que mérité. Car en politique, seuls triomphent les audacieux et les hommes d’actions animés de conviction et de foi. Qui saurait me prouver que Guillaume Soro n’a ni audace, ni conviction, ni foi, ni courage, ni culture de l’action ?

Tiburce Koffi/ [email protected]

 
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