Rentrée parlementaire : Soro Guillaume, bis repetita de l’appel à la réconciliation ou la bouclera t-il ?

Quel message donnera le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, lors de la rentrée parlementaire prochaine ? Celle-ci aura lieu le mardi 3 avril 2018, premier jour ouvrable de ce mois où selon la constitution ivoirienne, le parlement doit effectuer sa rentrée.

La question sur le discours du chef du parlement ivoirien mérite d’être posée, vu les implications de son précédent message lancé depuis le perchoir de l’hémicycle l’an dernier. En effet, dans son adresse aux Ivoiriens, Soro Guillaume a fustigé le manque de réconciliation entre les Ivoiriens et s’est engagé à faire de cette réconciliation son cheval de bataille.

Affirmant que « le contexte institutionnel nouveau de notre pays, adoubé par nos concitoyens, a entraîné un changement de rythme et de nature dans le fonctionnement de notre appareil législatif », ce dans « un environnement international et national en pleine mutation aux plans politique, économique et social », Soro Guillaume a, devant ses collègues députés, les membres du gouvernement et ses invités, dénoncé le comportement réfractaire de certains de ses compatriotes vis-à-vis du pardon aux ennemis ou adversaires d’hier.

« En effet, Chers Collègues Députés, le mot Pardon signifie faire grâce, laisser vivre quelqu’un qui nous paraît condamné. C’est notre part de don de soi. Le pardon à autrui renvoie à un acte de politesse, un acte qui instaure la civilité entre les personnes, recréant entre ces personnes une relation de convivialité qui dissout le conflit qui les opposait dans le retour à la vie normale. Bien sûr, il y a des amalgames sur le sens du pardon. Nous devrons donc veiller à les éviter. Ainsi :
certains refusent de pardonner parce qu’ils croient que pardonner, c’est cautionner le mal qui a été commis ; certains encore, refusent de pardonner parce qu’ils croient qu’on leur impose ainsi la réconciliation ; d’autres, refusent de pardonner parce qu’ils croient que ce serait renoncer à la justice ; enfin, d’autres, fort pessimistes, refusent de pardonner parce qu’ils croient que c’est faire preuve de faiblesse ».

Soro Guillaume est allé plus loin pour demander aux uns et aux autres d’essayer de faire le pas vers la réconciliation vraie. « Osons la Repentance. Osons le Pardon. Osons la Réconciliation. Osons l’Amour. Notre commune humanité nous le commande. Notre pays attend cela de nous. Nos amis et nos voisins nous y encouragent. Notre fraternité est bien plus forte que nos divergences politiques, idéologiques, sociales, ethniques, religieuses », a-t-il exhorté.

Le président de l’Assemblée nationale a dit avoir observé que six ans après la fin de la violence post-électorale, les positions restent figées parce que certains ont décidé de « s’enfermer dans un autisme moral total ». Il leur a demandé, autant qu’ils n’ont pas eu honte à faire la guerre, qu’ils n’aient pas honte à demander pardon, autant ils ont eu le courage de faire la paix mieux qu’ils ont alimenté les conflits.

« Il est temps qu’ils ouvrent leurs cœurs, comme nous ouvrons les nôtres ; qu’ils demandent pardon comme nous demandons pardon nous-mêmes ; qu’ils participent pleinement au jeu politique et que chacun respecte des règles justes, des mécanismes transparents dans la conquête, l’exercice et la transmission du pouvoir », a appelé Soro Guillaume.

A la suite de ce message, Soro Guillaume a pris son bâton de pèlerin pour aller à la conquête des Ivoiriens de l’autre bord, notamment les pro-Gbagbo. Ses partisans ont fait l’écho de son message en créant des mouvements de soutien par exemple l’alliance du 3 avril conduit par Alain Lobognon, l’Amicale des forces nouvelles de Félicien Sékongo.

Cette démarche de Guillaume Soro perçue par le clan Ouattara comme un désaveu de la politique de réconciliation du pouvoir a provoqué l’élargissement du fossé et la cristallisation des positions entre les deux clans. L’on a observé pendant plus d’un semestre de 2017 une guerre à fleurets mouchetés entre le président de la République et le président de l’Assemblée nationale. L’on a perçu une distance entre les deux hommes au point où selon certaines sources, ils ne se parlaient plus, même au téléphone. Soro a dû passer deux mois à l’étranger, refusé de prendre part au congrès du RDR. Soro a été soupçonné comme l’instigateur des soulèvements des mutins à Bouaké. Son chef du protocole a été arrêté et croupit en ce moment en prison.

En retour, que de piques à l’endroit des proches de Ouattara et du RDR ! A travers ses messages bihebdomadaires, vendredi et dimanche, Soro Guillaume ne manquait pas de répondre aux attaques contre sa personne. Et ce ne sont pas les mots qui manquaient. Bref !

Cependant, beaucoup d’eau aura coulé sous le pont. Puis finalement vient la paix des braves début novembre 2017 avec des rencontres entre Ouattara et Soro au cours desquelles chacun aura fait des concessions pour pérenniser la paix. Le chef de l’Etat aurait demandé au chef du parlement de cesser ses messages, en tout cas se faire moins entendre. Cette rumeur semble fondée vu que depuis lors, Soro a stoppé net ses publications pour n’apparaître qu’à l’image d’un éclair ou lors de ses ‘’crushs’’. Depuis lors, les accointances avec les pro-Gbagbo aussi ont cessé et le message de la réconciliation presqu’enterré. A ce niveau, quelques-uns de ses partisans dont Félicien Sékongo donnent de temps à autre de la voix, une qui passe presqu’inaperçu.

Devant cette accalmie retrouvée et cet amour qui est loin d’être idyllique entre Ouattara et son ‘’poulain’’, et au moment Soul to Soul est encore en prison et la division plus que jamais profonde avec les derniers événements autour de la CEI et de les sénatoriales, l’on est en mesure de se demander si Soro osera un bis repetita de son message du 3 avril 2017 ou la bouclera-t+il à jamais. Wait and see !