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Politique

Wodié: des révélations jamais faites sur sa démission du Conseil constitutionnel

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Plus de trois ans après sa démission de la présidence du Conseil constitutionnel, Francis Wodié, vient de froisser l'obligation de réserve à laquelle il est soumis, pour, enfin, porter à la connaissance du grand public les raisons profondes de sa démission.

L'auguste professeur de droit a, en effet, choisi de s'épancher dans un ouvrage dans lequel il revient sur les circonstances de sa démission fracassante de la tête du Conseil constitutionnel. « Côte d'Ivoire/ Le Conseil constitutionnel: 2010-2015/ Regards croisés »,tel est le titre de ce livre dans lequel Wodié « cache » les secrets en lien avec son départ du Conseil constitutionnel. L'ouvrage a été dédicacé, le vendredi 12 octobre 2018, au Centre international pour le développement du droit (Cidd), sis à la Riviera Bonoumin.

On y apprend que sa démission n'a rien à voir avec un quelconque clash au sujet de l'éligibilité d'Alassane Ouattara à l'élection présidentielle de 2015, qui poignait à l'horizon. Comme cela a pu être interprété. Mais, elle est consécutive au refus de Wodié de cautionner l'immixtion de l'exécutif, en l'occurrence du chef de l'Etat, dans les délibérations du Conseil constitutionnel. Plus largement, sa démission, explique-t-il dans l'ouvrage, traduit son refus d'accepter que des considérations à « relents politiques »(p118) viennent interférer dans les délibérations de cette institution. De quoi s'agit-il ?

L'origine du malaise

A en croire l'éminent constitutionnaliste, tout est parti d'une saisine du Conseil constitutionnel (le 16 décembre 2014) à l'effet d’examiner la conformité avec la Constitution de deux textes: d'une part, le Protocole relatif aux amendements à l'Acte constitutif de l'Union africaine adopté le 3 février 2003 à Addis-Abeba( Ethiopie) et le 11 juillet 2003 à Maputo (Mozambique) et le protocole lui-même; d'autre part, la loi d'autorisation (qui autorise le chef de l'Etat à ratifier ce Protocole). Statuant sur la question en sa session du 22 décembre 2014, Wodié et les conseillers en arrivent à la conclusion qu'ils ne se prononceront que sur le Protocole et non sur la loi d'autorisation, celle-ci ayant été adoptée par l'Assemblée nationale, avant que le Conseil constitutionnel ne soit saisi pour en apprécier sa conformité avec la Constitution. « ...nous avons tous admis le principe de l'antériorité de l'intervention et la décision du Conseil constitutionnel, par rapport au vote de la loi d'autorisation », rapporte Wodié au troisième chapitre intitulé « De la démission du président du Conseil constitutionnel ». Selon le président de l'institution, le conseiller-rapporteur qu'il a désigné avait même soutenu qu’ «en ne respectant pas les conditions prescrites par l'article 95 de la Constitution, la loi autorisant la ratification du Protocole sur les amendements de l'Acte constitutif de l'Union africaine violerait la Constitution ». Toujours selon Wodié, un autre conseiller a argué que « ...les députés devront, à l'avenir, attendre que le Conseil constitutionnel se prononce avant d’adopter la loi autorisant la ratification des traités internationaux... »(p109).

La loi d'autorisation à eux soumise étant jugée « a-juridique » c'est-à-dire qu'elle n'a aucune existence juridique, n'ayant pas respecté les règles de l'art, les membres du Conseil ont arrêté de ne pas plancher là-dessus. Mais voilà que ce principe sera remis en cause plus tard par l'ensemble des conseillers, lesquels seront réunis à l'insu de Wodié pour prendre une autre direction. « Il m'a été alors, donné d'apprendre, non sans surprise, que tous les conseillers étaient à l’œuvre dans la salle des délibérations pour rédiger ces deux projets de textes... », rapporte Wodié. Et de s'interroger sur cette initiative à laquelle il n'avait pas donné son onction : « Qui, en dehors du président du Conseil constitutionnel, a pu s'arroger le droit de constituer un tel comité de rédaction, à l'insu du président du Conseil constitutionnel ? »(p 111). Cette initiative parallèle s'est, selon lui, écartée de la position initiale adoptée de commun accord. En effet, soutient-il: « Sur le fond, cette réunion, en marge des séances officielles du Conseil constitutionnel, a abouti à une autre interprétation des dispositions de la Constitution, aux antipodes de celle retenue la veille par tout le Conseil constitutionnel et qui devait constituer la trame des projets de rapport et de décision»(p 112).

Le chef de l'Etat indexé

Comme par enchantement, le conseiller-rapporteur désigné, qui soutenait que « le principe de prudence aurait nécessité qu'avant que l'Assemblée nationale n'examine la loi autorisant la ratification du protocole, le Conseil constitutionnel soit saisi à l'effet de dire dans quel sens le gouvernement devrait s'orienter pour aboutir à la ratification du protocole... »(p 112), a revu sa position. A la session de délibération du 23 décembre 2014, il avançait le point de vue suivant : « ...il n'y a pas de condition particulière de moment; l'essentiel est que le contrôle par le Conseil constitutionnel, se fasse avant la ratification ». Et le même conseiller-rapporteur « de conclure son propos en déclarant, d'une part, recevable la demande d'examen de la loi autorisant la ratification du protocole sur les amendements de l'Acte constitutif de l'Union africaine, d'autre part, non contraires à la Constitution tant la loi d'autorisation que l'engagement international soumis à examen du Conseil constitutionnel »(p.113). C'est le début d'une crise, puisque, évidemment, les tenants de cette thèse vont se heurter à l'intransigeance de Wodié. « En conséquence de tout ce qui vient d'être relevé, je me suis gardé de prendre part au vote de la séance du mardi 23 décembre 2014, en ayant signifié que je ne peux signer, en l'état, en ma qualité de président du Conseil constitutionnel, une telle « décision » qui n'en est pas une, en ce que violant, délibérément, la Constitution; réagir autrement, ce serait manquer aux devoirs de ma charge»(p 117, explique-t-il sa raideur.

Finalement, le différend parvient aux oreilles du chef de l'Etat, Alassane Ouattara. En effet, Wodié consent à l'informer de la crise, qui, dit-il, se présente comme un affrontement entre « le juridique et le politique ». Quand il est « convoqué » ( le mot est de Wodié, Ndlr) par Ouattara, le jeudi 8 janvier 2015, c'est pour « (s') entendre intimer l'ordre, à brûle-pourpoint, de signer la décision(p 122) » ( celle sortie de la délibération des conseillers, qui s'est tenue à son insu et à laquelle il s'opposait, ndlr). « Quoi, Monsieur le président ! », a-t-il lâché, ébahi par une telle injonction. Voici ce que dit Wodié des sentiments que lui ont inspirés cette sommation du chef de l’Etat : « Le président du Conseil constitutionnel, tout comme Francis Wodié, était abasourdi et comme interdit, lorsqu'il s'entendait, à nouveau, ordonner de signer. La coupe était pleine et je ne pouvais boire le calice jusqu'à la lie » (p 122). Pour l'illustre homme de droit, en agissant de la sorte, « le président de la République (...) se plaçait ainsi, fort malencontreusement, dans la position d'un supérieur hiérarchique ayant pouvoir pour donner des instructions et adresser des injonctions aux membres du Conseil constitutionnel, en l'espèce au président du Conseil constitutionnel ; ce qui est inacceptable... » (p 123). Réputé pour sa probité, Wodié confie n'avoir pas voulu céder à cette injonction de l'exécutif. « Pour ne pas manquer aux devoirs de ma charge et pour rester en accord avec moi-même, j'ai donc pris la décision, en mon âme et conscience, de remettre ma lettre de démission, déjà prête, au président de la République » (p 124). Laquelle est acceptée le 2 février 2015 par Ouattara. Le lendemain 3 février 2015, cette démission est rendue publique et un nouveau président du Conseil constitutionnel est nommé. Pour rappel, Francis Wodié a été nommé président du Conseil constitutionnel le 25 juillet 2011, pour un mandat de six ans.

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