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En Côte d’Ivoire, l’étau judiciaire se resserre sur l’opposition

Auteur: Ivoirematin.com

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En Côte d’Ivoire, l’étau judiciaire se resserre sur l’opposition

Depuis le mois de juin, quelque 700 personnes ayant participé à des manifestations interdites ont été arrêtées et plus de 100 ont été condamnées et incarcérées. Alors que plusieurs figures de l’opposition se trouvent également derrière les barreaux, d’autres ont pris la fuite.

« Je n’ai pas fui, je n’ai pas l’âme d’un fuyard. » Le 16 octobre, Damana Adia Pickass, coordinateur général du Front commun (alliance entre le Parti démocratique de Côte d’Ivoire, PDCI, et le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire, PPA-CI), l’affirmait dans une vidéo diffusée depuis un « lieu inconnu ». Il n’aura fallu que dix-neuf jours à la police nationale pour l’interpeller, le 4 novembre, à Bingerville. Le procureur de la République Oumar Braman Koné l’accuse d’avoir « appelé à l’insurrection populaire et au renversement des institutions ».

Selon le haut magistrat, quelque 700 personnes ont été arrêtées depuis juin pour avoir participé à des manifestations interdites. Plus de 100 ont été condamnées à trois ans de prison ferme, selon leurs avocats. Le 25 octobre, Alassane Ouattara a été réélu pour un quatrième mandat avec 89,77 % des suffrages, tandis que ses deux principaux concurrents, Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, avaient été écartés par le Conseil constitutionnel. Onze personnes sont mortes dans des manifestations selon les autorités, tandis que l’opposition en évoque 27.

Au PDCI, les présidents Innocent Yao (Jeunesse rurale) et Henri Joël-Ndri Kouadio (Jeunesse scolaire et universitaire) ont respectivement été arrêtés le 4 juin et le 2 juillet, avant que six autres cadres soient interpellés à leur tour, également accusés d’« atteinte à la sûreté de l’État ».

Le 21 octobre, le vice-président et ancien secrétaire général de la présidence sous Henri Konan Bédé, Kouassi Yao, 78 ans, a été arrêté à son domicile de Cocody avant d’être incarcéré, selon le parti. Du côté du PPA-CI, Lida Kouassi Moïse, ancien ministre de la Défense de Laurent Gbagbo, l’ancien ambassadeur Boubacar Koné et deux secrétaires généraux adjoints, Blaise Lasm et Nestor Dahi, sont aujourd’hui derrière les barreaux.

Pulchérie Gbalet et Noël Akossi Bendjo volatilisés

Face à cette vague d’arrestations, plusieurs figures se sont volatilisées, à l’instar de la militante Pulchérie Gbalet, 53 ans et deux fois emprisonnée (2020 et 2022) – certains la disent en Belgique, d’autres au Ghana – ou encore de Noël Akossi Bendjo, le vice-président du PDCI, qui n’est plus réapparu depuis le 12 octobre. Ce dernier affirme être « en sécurité », mais refuse d’en dire plus. Soumaïla Brédoumy, porte-parole du « vieux parti », s’est réfugié en France où il a retrouvé son président Tidjane Thiam, lui-même parti en mars.

D’autres sont au Ghana ou aux États-Unis, sans doute dans les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES). Combien sont-ils exactement ? Nul ne le sait. « On n’a pas de commentaires à faire, surtout pas quand on voit l’attitude du régime », lâche Me Habiba Touré, porte-parole du PPA-CI, contactée par Jeune Afrique.

Osman Chérif, membre du PDCI et médecin urgentiste, a quitté Abidjan dans la nuit du 10 au 11 juillet. « À 20 h 21, j’ai reçu un appel me disant qu’ils allaient m’arrêter, que mon nom était sur la liste », raconte-t-il depuis Accra. Treize heures plus tard, il est arrivé au Ghana avec l’aide de « passeurs ». Des voisins ont confirmé que des hommes vêtus de noir ont tenté de forcer sa porte.

À la tête de la Fondation internationale pour l’observation et le suivi des droits de l’homme et de la vie politique (Fidhop), Gervais Boga Sako était rentré d’exil en juillet 2021. Il a quitté le territoire dès le 13 juin après avoir reçu, selon lui, des menaces d’un responsable de la police nationale. Il a déposé une demande d’asile à Washington et signé à Philadelphie, le 4 novembre, avec d’autres leaders de la diaspora, une déclaration affirmant qu’Alassane Ouattara « n’est plus le président de la République ».

« Actes de terrorisme »

« Le procureur n’a pas dit s’il existe un mandat contre moi, assure Osman Chérif depuis Accra. Tant que personne ne me le dit officiellement, je reste ici. » Contactées par Jeune Afrique, les autorités ivoiriennes n’ont pas répondu à nos sollicitations à ce sujet. Ces dernières semaines, le procureur avait pourtant été explicite. Le 16 octobre, il avait averti les jeunes : « Ne brisez pas votre carrière pour des hommes politiques cachés derrière des caméras. » Il avait aussi annoncé que son parquet allait « avoir la main lourde ».

Citant des messages saisis, Oumar Braman Koné avait mis en lumière des appels à « brûler les véhicules de police, les magasins des Libanais ». Pour les autorités, il s’agit d’« actes de terrorisme ». Le 28 octobre, le haut magistrat a appelé à déposer les armes illégales, précisant que « certains individus du service d’ordre du PPA-CI étaient munis d’armes de guerre ».

Dans le communiqué publié à la suite de l’arrestation de Damana Pickass, le procureur a promis que « tous les auteurs, les complices et les commanditaires seront recherchés, interpellés et jugés ». Début 2025, le militant historique du Front populaire ivoirien (FPI) avait déjà écopé de dix ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’État ». Mais aucun mandat de dépôt n’avait été émis. De son côté, le ministre de la Justice, Jean Sansan Kambile, a défendu le 17 octobre les interdictions de manifester comme « parfaitement respectueuses » du droit et « limitées dans le temps ».

Auteur: Ivoirematin.com
Publié le: Jeudi 06 Novembre 2025

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