Quatre ans après le lancement de l’initiative « Zéro enfant dans la mine », la Société nationale des mines (Sonamines) dresse un constat lucide : la sensibilisation institutionnelle ne suffit pas. Face à la persistance du travail des mineurs dans les sites artisanaux de l’Est et de l’Adamaoua, l’entreprise publique opère un virage stratégique vers une approche de proximité, plus sociale et pragmatique.

L'échec d'une approche purement matérielle

Lancée en septembre 2021, l'opération visait à freiner la déperdition scolaire massive dans les zones aurifères. Cependant, la réalité économique a rapidement rattrapé les bonnes intentions. Pour de nombreuses familles, le gain immédiat issu de l'extraction minière — bien que minime — l'emporte sur la « promesse » lointaine de l'éducation.

Le constat de la Sonamines :

1. Les dons de fournitures scolaires n'empêchent pas le retour des enfants sur les sites.
2. La pression financière des ménages reste le principal moteur du travail des enfants.
3. L'école peine à être perçue comme une alternative viable à la survie quotidienne.

Les nouveaux piliers de l'action : École, Famille et

Autonomisation

Pour inverser la tendance, Serge Hervé Boyogueno, Directeur Général de la Sonamines, prône désormais une immersion au cœur des communautés.

1. Renforcer le lien avec l'école

L'action ne se limite plus à la distribution de kits. La Sonamines mise sur :

1. Une présence directe dans les classes pour faire des élèves des ambassadeurs de la cause auprès de leurs parents.
2. Un soutien pédagogique ciblé, avec des cours de remise à niveau pour les candidats aux examens afin d'éviter les abandons en fin de cycle.
3. L'investissement dans le préscolaire pour ancrer l'habitude de l'école dès le plus jeune âge.

2. L'autonomisation des femmes comme levier

C'est l'une des innovations majeures de cette réorientation : cibler les mères. À Bétaré Oya et Garoua Boulaï, la Sonamines soutient le développement d'activités génératrices de revenus (AGR) pour les femmes. En augmentant l'autonomie financière des mères, l'objectif est de réduire la dépendance du foyer au travail des enfants.

Un défi de santé publique et de droits humains

Le travail minier n'est pas qu'une barrière à l'éducation ; c'est un danger mortel. Selon l'OIT et l'UNICEF, les risques sont multiples pour les milliers d'enfants impliqués :

1. Risques physiques : Éboulements de puits, accidents graves.
2. Risques sanitaires : Maladies respiratoires dues aux poussières et intoxications aux produits chimiques.
3. Risques sociaux : Violences et exploitation sexuelle.

Chiffres clés (Cameroun)	Statistiques
Enfants travaillant dans les mines (OIT)	~ 100 000
Enfants de 5-17 ans effectuant des travaux dangereux	266 594
Part des 5-17 ans ayant une activité économique (INS)	41 %

Conclusion : Vers un pragmatisme durable

Bien que le cadre juridique camerounais interdise les pires formes de travail des enfants, la loi se heurte à une pauvreté structurelle tenace. En passant d'une logique de communication à un accompagnement socio-économique, la Sonamines espère transformer durablement les zones minières. L'enjeu n'est plus seulement de sortir l'enfant de la mine, mais de lui offrir, ainsi qu'à sa famille, une raison concrète de rester sur les bancs de l'école.