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Economie

Activités commerciales : Des usines à ciel ouvert se multiplient à Adjamé

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Centre de commerce par excellence, le Forum des marchés d'Adjamé grouillait de son monde habituel le lundi 23 juillet 2018. Un tour dans le dos de ce marché, précisément à Bromakoté, un peu avant les rails, permet de découvrir des activités commerciales à ciel ouvert. Il s'agit d'unités de broyage d'arachides, de confection d'épices, de fabrication de sacs et de tenues vestimentaires.

« Tantie, y a l'ail, tantie y a concombre, tantie y a carottes... », crient, à tue-tête, de jeunes commerçantes ambulantes qui forcent, à la limite, toutes les personnes qu'elles croisent sur leur chemin à prendre une marchandise. Cette scène se passe du côté du Forum des marchés d'Adjamé. Il est 11 heures, lorsque notre véhicule de reportage nous dépose devant la mairie de cette commune. Nous nous faufilons parmi ce monde, ainsi que de gros camions stationnés en train de décharger des marchandises, en direction du chemin de fer, situé dans le dos du marché, le centre d'intérêt de notre présence en ces lieux. Après une trentaine de minutes de marche, un bruit assourdissant attire notre regard. Un coup d’œil donné dans la direction dudit bruit suffit pour nous convaincre que nous sommes bien à l'endroit que nous recherchons.

Des unités servant au broyage d'arachides et de mélange d'ingrédients pour obtenir des épices sont implantées un peu partout. L'activité se déroule à ciel ouvert et dans des conditions d'hygiène qui laissent à désirer. Des femmes, venues solliciter les services de ces opérateurs, attendent leur tour de passage. Le regard interrogateur lancé dans leur direction crée aussitôt la méfiance. Malgré le sourire rassurant et le prétexte avancé, selon lequel nous sommes une cliente, impossible de convaincre ces personnes. N'empêche, nous jetons un regard dans les cuvettes posées au sol, et dont les contenus attendent de passer à la machine. Surprise pour surprise, on découvre un peu de tout dans ces cuvettes : des mélanges de piment sec et de fleur rouge, ainsi que des grains de maïs sec. Dans une autre cuvette, on découvre même du son de riz, prêt à passer aussi à la machine. Les fleurs rouges, apprend-on, servent à renforcer la couleur du piment.

Jouxtant les unités de transformation, des commerçantes proposent sur place leurs épices, ainsi que de la poudre de gombo sec. « Madame, vous n'achetez rien ? », interroge une petite fille dans un français approximatif. Elle propose de nous vendre des épices moins cher, si nous sommes intéressées avant de révéler que c'est ici que la plupart des commerçantes des marchés d'Abidjan s'approvisionnent. Une révélation qui crée aussitôt en nous des frissons, à la seule idée d'imaginer le nombre de personnes exposées à la consommation de ces épices.

Sacs et tenues scolaires. 

A quelques encablures de l'industrie des épices, se trouve des unités de fabrication de sacs et de tenues vestimentaires. Installés dans des magasins d'à peine 2 mètres carrés (m²), les tailleurs qui exercent dans la zone se comptent par dizaine. L’exiguïté de leur enceinte oblige certains à mettre des tables dehors pour travailler. Des fils électriques lézardent le mur à proximité desdits ateliers, donnant ainsi la preuve d'une installation électrique anarchique dans cette zone. Un couturier qui a suivi notre regard interrogateur sur cette installation, se sentant interpellé, lance que l'accès à l'énergie est très difficile. Il ne s'arrête pas là, puisqu'il confiera par la suite qu'un tailleur qui a une machine tête noire qui coûte 45 000 Fcfa, lorsqu’il s'installe, aura à payer un loyer de magasin à 15 000 Fcfa, voire 20 000 Fcfa. « Ajouté à tout cela, pour un raccordement sur l'électricité, on lui demande entre 180 000 Fcfa et 200 000 Fcfa, c'est qu'il y a problème. C'est ce qui fait que ces personnes vont voir un voisin qui a un compteur pour se brancher et payer ensemble les factures », justifie ce dernier qui passe ensuite son chemin.

Des sacs destinés à l'école, au voyage et même des sacs de sortie pour dames sont exposés devant les ateliers. D'autres tailleurs, ayant pour spécialité la confection de tenues vestimentaires, sont également à la tâche. Il s'agit de kaki pour l'école primaire et le collège, des robes pour de petites écolières, ainsi que des tenues bleu-blanc.

Couturier de sacs, Thera Sékou, président de l'Organisation professionnelle départementale (Opd) dans le secteur du textile à Adjamé, informe que, par le passé, les sacs qu'ils confectionnent se vendaient bien. « Mais, à cause de la friperie, ça ne marche plus », déplore ce dernier, qui explique qu'à côté de cela, il y a la concurrence déloyale que leur livrent des articles en provenance de pays tels que la Chine. « Par le passé, ceux qui fabriquaient les sacs de femmes étaient nombreux. Leurs clients venaient du Mali, de la Guinée, pour payer leurs articles et repartir. Aujourd'hui, beaucoup de personnes utilisent la friperie, ce qui fait qu'on reste maintenant sur les réparations des articles usagés », dénonce le président de l'Opd. Il fera, par la suite, une révélation de taille, selon laquelle les pantalons Jeans qui étaient confectionnés en Côte d'Ivoire, se faisaient à Bromakoté, il y a plus d'une trentaine d'années. « Avant, quand on parlait de Jeans Diallo, Jeans Gorge, Jeans neige, 501…, c'est à Bromakoté qu'ils étaient confectionnés. Ces Jeans étaient exportés vers le Mali, la Guinée, le Burkina Faso...En Côte d'Ivoire, c'est l'intérieur du pays qui était approvisionné. La friperie a, malheureusement, cassé tous ces marchés », mentionne nostalgique Thera Sékou.

Concurrence déloyale. 

Selon la commande de leurs clients respectifs, les tailleurs de sacs et tenues vestimentaires livrent différents marchés, aussi bien à Abidjan qu'à l'intérieur du pays. Très souvent, ces articles se retrouvent dans des vitrines de magasins de certaines grandes surfaces, livrant ainsi une concurrence déloyale à certaines grandes marques. Sur la question de la concurrence, Diarra Yacouba, président du Collectif des artisans de Côte d'Ivoire (Caci), sort ses griffes et dédouane, par la même occasion, ces tailleurs qu'il présente comme étant des artisans. Il explique qu'en général, ce sont les acheteurs qui posent les griffes sur les marchandises. Selon lui, à partir du moment où ces tailleurs ont reçu la commande, ils ne font que s'exécuter. « Les tailleurs de Bromakoté confectionnent les sacs et les tenues vestimentaires sans la griffe. Ce sont les grandes surfaces qui ont les moyens d'aller acheter les griffes originales pour les mettre sur les marchandises », tente de convaincre Diarra Yacouba. Puis d'insister que ces couturiers sont installés de façon légale, étant entendu « qu'ils sont assujettis à la taxe forfaitaire, qui est souvent l'impôt simplifié, et la patente, et les tickets, pour certaines personnes. Ceux qui sont dans les magasins, c'est la taxe forfaitaire ; ceux qui exercent au dehors, sur les tables, ce sont les tickets. À partir du moment où cet artisan se rend à la mairie pour se déclarer, et qu'on vient vérifier son magasin et le nombre de machines dont il dispose avant de lui fixer le montant de la taxe à payer, on considère qu'il est installé légalement. Donc son activité aussi est légale ». Le président de la Caci soutient même que cette activité crée d'énormes emplois, parce que chaque tailleur peut avoir plus de trois apprentis dans son atelier.

 Attention danger !

Les épices confectionnées derrière le Forum des marchés d'Adjamé, ainsi que tout ce qui est poudre d'aliments vendus dans les différents commerces, sont de véritables dangers pour la santé des consommateurs. Non seulement le site réservé à l'exercice de cette activité est très insalubre, et donc un problème d'hygiène qui se pose, mais, au-delà, il y a des mélanges pas très commodes qui sont faits pour produire les épices. Plutôt que de passer collecter les taxes auprès de ces acteurs, il serait bon d'envisager des séances de sensibilisation à leur endroit.

Le directeur général de la Fédération nationale des acteurs de commerce de Côte d'Ivoire (Fenacci), Soumahoro Karim, déplore le fait que cette activité se passe, « malheureusement, au vu et au su de tous. Mieux, c'est la vie des consommateurs, et donc nous-mêmes aussi, qu'ils mettent en danger. C'est là aussi que les structures de consommateurs doivent jouer leurs rôles », indexe-t-il. La Fenacci, a-t-il rappelé, a pour mission la défense des intérêts moraux, économiques et financiers des commerçants. Il s'agit aussi de les assister dans l'exercice de leurs activités.

Le cri du cœur des artisans

Les artisans, singulièrement les tailleurs exerçant dans le dos du Forum des marchés d'Adjamé, ne décolèrent pas face à ce qu'ils qualifient de concurrence déloyale que leur livreraient les vendeurs de friperie. Pour ne pas assister impuissant à une mort certaine de leurs activités, ils appellent le nouveau ministre de l'Artisanat, Sidiki Konaté, au secours. Ce qu'ils proposent, c'est de mettre des taxes sur tous les conteneurs de friperie qui rentrent en Côte d'Ivoire. Lesquelles taxes, disent-ils, serviront à créer des fonds de garantie pour le secteur de l'artisanat, en vue d'assurer la formation des artisans et le financement de leurs projets.

 
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