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Politique

Interview exclusive / Charles Blé Goudé : « Je m'en remets aux autorités de mon pays »

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Charles Blé Goudé, président du Cojep

Dans le cadre de ses activités, l’Association de la presse étrangère en Côte d’Ivoire (Ape ci) a reçu ce mercredi 17 juin 2020 sur sa plateforme d’échanges WhatsApp dénommée « Foreign press News » le Président du COJEP, monsieur Charles Blé Goudé. 

Au cours de cette interview, les sujets évoqués tournaient essentiellement autour des relations entre les autorités ivoiriennes et monsieur Blé Goudé en Côte d’Ivoire ainsi que de la formation d’une coalition entre les partis d’opposition pour les élections présidentielles de 2020.

 

Innovation Afrique et Ras Médias : M. Charles Blé Goudé, vous vous préparez à rentrer en Côte d'Ivoire. Quelles sont vos relations avec les autorités en place vu que vous êtes condamné à 20 ans de prison en Côte d'Ivoire ?

Blé Goudé : L'état de mes rapports avec le régime en place est connu.  Voilà ! Les relations ne sont pas au beau fixe. Vu que nous avons eu une crise profonde ce pour laquelle je suis ici. Mais je pense qu'il y a un temps pour se battre et un temps pour parler de paix. Et c'est à cela que moi je voudrais inviter les uns et les autres. Tournons la page et puis regardons l'avenir. Les survivants à toute guerre ont un devoir, c'est de faire la paix et faire en sorte que les douleurs cimentent la suite de la vie du pays pour que ce pays soit en paix. Les exemples sont légions dans le monde.  Voilà, l’Allemagne et la France qui aujourd'hui sont le poumon de l'économie de l'Union Européenne. Partout on parle de paix. Je souhaite que la Côte d'Ivoire tire les leçons de ce qui est arrivé et que nous en tant que leader on puisse sensibiliser notre peuple à oublier cette autre page.

 

Agence Reuters : Je voudrais savoir si vous avez déjà entamé des discussions avec le pouvoir pour un éventuel retour au pays ?  Comptez-vous rentrer avant ou après les élections du 31 Octobre 2020 ?  Vous avez été condamné à 20 ans de prisons pour des délits sensiblement pareils à ceux pour lesquels vous avez été jugés et acquittés à la CPI. Êtes-vous disposé à rentrer en CI malgré tout et êtes-vous disposé à demander un nouveau procès à la justice ivoirienne une fois sur place ?

Blé Goudé : Cela ne dépend pas de moi seulement. J'ai exprimé ouvertement, publiquement mon intention, ma volonté de rentrer chez moi en Côte d'Ivoire auprès des miens. J'ai formulé cette demande auprès des autorités de mon pays. J'attends une suite. Et puis la décision sera prise. Une fois qu'il m'aura été accordé de rentrer chez moi, en ce moment je peux établir un agenda. Mais je suis encore dans le principe avant que je ne rentre dans les modalités. Voilà ce que je voulais dire.

En ce qui concerne les 20 ans de condamnation. Vous savez tout ce qui est politique se règle politiquement. Le président Henri Konan Bédié avait un mandat d'arrêt contre lui quand il quittait la Côte d'Ivoire pour s'exiler en France après le coup d'État qui a eu lieu contre lui. Le président Alassane Ouattara avait un mandat d'arrêt contre lui. Ensuite ils sont rentrés en Côte d'Ivoire où on n'a plus entendu parler de ces mandants d'arrêts. Là où on parle de paix, là où on parle de réconciliation, je pense qu'on ne fait jamais assez pour pouvoir rassembler la Côte d'Ivoire... J'allais dire pouvoir rassembler les fils et filles de ce pays-là. Ce n'est pas une première ce que je suis en train de demander. Je ne quémande pas de rentrer chez moi, je dois rentrer chez moi. Je dois rentrer chez moi. Je veux rentrer chez moi. Je ne suis pas hollandais. Je ne suis pas européen. Je suis venu ici pour subir un procès. L'institution judiciaire qui m'a retenu ici me met en liberté et me dit que je peux rentrer chez moi. J'attends maintenant que les autorités de mon pays me le permettent. Et je leur dis, je m'en remets à leur décision.

 

Senegalnet.com : Tout dernièrement sur France24, vous avez tendu la main aux autorités de ce pays. Est-ce qu'on peut savoir depuis cette annonce, s’il y a eu une suite favorable pour vous ? Il y a également une partie du peuple qui se réclame victime et qui est toujours en train de parler de votre retour. Quels conseils pouvez-vous donner à ces populations pour comprendre la nécessité de la réconciliation et essayer d'accepter ce qui est fait ? En tant que leader de la Voix du peuple et président du COJEP, qu’est-ce que vous pouvez dire à ceux-ci afin qu’ils reviennent à la raison pour qu'on puisse réaliser la réconciliation à 100%?

Blé Goudé : Je voudrais à la réponse à votre première question c’est à dire qu'elle est la suite à la main tendue ? D'abord cette expression a suscité beaucoup de commentaires. Oui !   « Blé Goudé n'est rien », « Il se fout du pouvoir en place », « comment peut-il être si arrogant et prétendre tendre la main ?»  Vous savez, moi je voudrais attirer l'attention des uns et des autres sur la situation de notre pays.  Notre pays sort petit à petit d'un traumatisme. Les rancœurs sont encore là. Il vous suffit d'aller sur les commentaires sur les réseaux sociaux, vous verrez que la guerre s’est déplacée sur la toile. Comme si les uns et les autres attendaient la moindre occasion pour se rentrer dedans. Savons-nous ce que notre pays a vécu ? Moi je pense que chacun doit plutôt chercher à apaiser la situation. Je suis un citoyen ivoirien. J'ai été transféré à la Haye pour y subir un procès. L'institution judiciaire à laquelle mon pays m'a remis m'a acquitté et me permet après plusieurs mois maintenant de pouvoir rentrer chez moi. Cela fait 6 ans que je suis ici.

Maintenant,  ai-je eu tort ? Je dis que je m'en remets aux autorités de mon pays.  C'est la moindre chose que je puisse faire. Je ne peux pas débarquer à Abidjan comme ça comme un Django. Non ! Je ne peux pas non plus narguer les autorités de mon pays. Il faut comprendre le fond de l'idée. Je dis la Côte d'Ivoire a une longue tradition d'aller chercher ses fils et ses filles qui se trouvent à l'extérieur du pays du fait d'une crise ou du fait d'une opposition dans les idées. En 1982, le président Laurent Gbagbo opposant en son temps a quitté la Côte d'Ivoire pour s'exiler en France. Le président Houphouët-Boigny, tout puisant qu'il était, il n'y avait même pas de réseaux sociaux à cette époque mais il est allé chercher le président Laurent Gbagbo. Il l'a reçu en Côte d'Ivoire en septembre 1988. Et quand Laurent Gbagbo rentre en Côte d'Ivoire, il ne devient pas PDCI-RDA. Il continue ses activités en tant qu'opposant au parti qui était au pouvoir en ce temps. Voilà la grandeur dont Houphouët Boigny a fait preuve parce qu'il avait besoin de rassembler les fils et filles de la Côte d'Ivoire ; pays dont il était le président.

En 1999, quand le régime d'Henri Konan Bédié tente d'arrêter l'opposant Alassane Ouattara en son temps, il s'est encore trouvé un certain Laurent Gbagbo opposant qui a été au siège du RDR pour apporter son soutien à l'opposant Alassane Ouattara.  Quand toute son équipe a été arrêtée, madame Henriette Diabaté et bien d'autres leaders du RDR en son temps, Laurent Gbagbo encore a engagé sa personnalité pour obtenir la libération de toutes les personnalités du RDR en son temps. Nous étions en 1999. Moi-même, j'étais en prison à la MACA à cette époque-là en tant que leader étudiant. Quand après le coup d'État, contre le PDCI-RDA, les différents responsables, les différentes personnalités du PDCI-RDA ont été détenues à AKOUEDO par la junte militaire, il s'est encore trouvé un certain monsieur Laurent Gbagbo, opposant en son temps, qui a fait le déplacement à Akouédo pour demander à la junte militaire de mettre en liberté ces autorités qui avaient dirigé la Côte d'Ivoire au haut-niveau. Après cela, le président Laurent Gbagbo est allé rencontrer le président Henri Konan Bédié à Paris. Et en Octobre 2001, le président Henri Konan Bédié après le coup d'État est rentré en Côte d'Ivoire. Il a été a accueilli par ses partisans et il est rentré chez lui. Il n'est pas devenu Front populaire ivoirien. Il a continué ses activités en tant qu'opposant. Un mois après, c'est à dire en novembre 2001, l'opposant Alassane Ouattara est rentré en Côte d'Ivoire. Lui aussi accueilli par ses partisans. Laurent Gbagbo était toujours au pouvoir.

Aujourd’hui, cela fait 10 ans que le président Laurent Gbagbo et moi nous sommes à l'extérieur de la Côte d'Ivoire. La justice internationale nous a acquitté et nous donne l'opportunité pour que nous rentrions chez nous en Côte d'Ivoire. Moi je dis, je m'en remets aux autorités de mon pays. Il leur appartient de prendre la décision qui elles pensent est bien pour la Côte d'Ivoire. Moi, je pense que les filles et fils devraient se retrouver autour d'elle.  Je reste opposant. Je viens et mon leitmotiv c'est le dialogue, rien que le dialogue, pas pour une soumission parce que je reste avant tout un opposant au régime, c'est ça que je suis, je suis président d'un parti politique, président d’une coalition. Mais je me dis qu’il y a un moment pour se battre et il y a un autre moment pour parler de paix. Voilà ce que je voulais dire en ce qui concerne cette question. Pour les victimes, je le dis, on ne peut pas parler de guerre sans parler de victime. Il y 'a eu des victimes partout. J'ai du respect pour ces victimes. J'ai du respect pour leurs douleurs.  J'ai du respect pour leurs ressentiments. Mais je ne peux m'adresser à mes frères et à mes sœurs ivoiriens que si je suis en Côte d'Ivoire. Je suis encore dans une procédure bien que je sois en liberté. La procédure est encore pendante, elle est en cours. J’aurais l'occasion de m’adresser à ces victimes. Mais à un aucun moment, je ne vais me permettre de les narguer.

 

« Non ! Je ne suis pas candidat aux élections de 2020 »

 

Al jazeera et Associated press télévision news : Où en êtes-vous au sujet de votre retour en Côte d’Ivoire ?  Que dit le Gouvernement à propos de votre retour au pays ? Quel plan envisagez-vous de mettre en place pour les élections présidentielles de 2020 ? Au cas où vous n'êtes pas rentré au pays, envisagez-vous de nommer un dauphin ou tout simplement serez-vous prêt à soutenir un autre candidat d'un autre parti politique ?  Si c'est le cas, qui est votre favori ?  Quel sera votre plan si vous n'êtes pas autorisé à rentrer au pays ?

Blé Goudé : Je voudrais dire que j’ai moi-même exprimé mon intention de rentrer chez moi en Côte d'Ivoire mon pays. Une telle question ne se règle pas en 48 heures ni en une semaine vu la profondeur de la crise que mon pays a traversée.   Je ne mets aucune pression sur les autorités de mon pays. Je leur laisse le loisir d'examiner la demande que j'ai formulée. Et puis, j'attends le retour. Comme je l'ai tantôt indiqué sur plusieurs chaînes, sur plusieurs médias, j’ai instruit le COJEP, mon parti politique d'entreprendre des démarches auprès des autorités ivoiriennes. Mais j'ai aussi missionné certaines bonnes volontés dans ce sens. J'ai été patient pendant plus de 7ans, je serai patient pour quelques semaines. Donc j'attends le retour et j'espère que tout se passera comme tout le monde l'attend. Pour les élections de 2020, c'est-à-dire dans quelques mois si Dieu le veut. Vous me demandez si au cas où mon retour est empêché je désignerais un dauphin et quel plan j'ai ?

Non ! Je ne suis pas candidat aux élections de 2020. Je souhaite que cela soit clair une bonne fois pour toute. J'ai donc pris du recul. J’ai été sollicité par certaines associations, certains syndicats, certaines ONG pour conduire une plateforme, une coalition citoyenne dénommée « La voix du peuple ». Qui comme son nom l’indique, va donc porter la voix, les meurtrissures, les souhaits de ceux qu’on n’entend pas souvent mais qui ne peuvent pas mettre en mission des autorités qui viennent solliciter leurs suffrages lors des élections. Nous allons donc nous contenter cette année, en tout cas en ce qui nous concerne, de sensibiliser à l’action citoyenne, de sensibiliser sur l'importance du vote, de sensibiliser à ce qu'on est le moins possible d'abstention de vote, et nous allons mutualiser nos voix pour que la voix du peuple soit entendue. C'est à dire que le peuple ne soit pas mis aux oubliettes, c'est à dire sensibiliser les ivoiriens à ce que le débat politique en Côte d'Ivoire et le choix dans les urnes soit détribalisé. Et que ce choix-là se fasse sur la base d'un projet de société qui tienne compte du peuple. Voilà ce à quoi nous allons travailler cette année. Dans ce rôle, je n'aurais donc pas besoin de désigner un dauphin. Je ne suis pas candidat et donc je ne vais pas désigner de dauphin. Je suis avec la société civile. J'ai mis de côté les ambitions de mon parti politique pour le moment pour cette année 2020. Je vais travailler avec la société civile à ce qu'il y ait une conscience nationale au sujet du vote qui doit désormais compter. Parce que la voix de chaque ivoirien doit être son éducation, doit être sa santé, doit être j'allais dire sa sécurité. C'est-à-dire mutualiser les voix, missionner une personnalité politique qui nous aura convaincue pour que désormais les besoins du peuple soient pris en compte.

 

Ivoirematin : Votre compagnon de lutte à la Fesci, Guillaume Soro, qui a été alternativement votre adversaire et votre allié politique, et qui a également joué un rôle important dans la chute de la Majorité présidentielle (LMP) que vous défendiez à l’époque, est en bisbille avec les autorités ivoiriennes et se retrouve aujourd’hui en exil en France. Quel commentaire ?

Blé Goudé : Moi, par éducation, je ne me réjouis jamais du malheur des autres. Je souhaite simplement que toutes les filles, tous les fils de la Côte d'Ivoire se retrouvent autour de la Côte d'Ivoire pour tourner cette page tragique que notre pays a connu. C'est à cela que je travaille et je voudrais bien participer à cet autre acte de la vie de mon pays. Pour le reste, j'espère que nous aurons tous tiré les leçons de ce qui est arrivé à notre pays. Et qu'en tant que leader, nous devons impacter positivement tous ceux qui sont nos partisans pour qu'on regarde l'avenir avec beaucoup d'espoir.

 

Lagune info et Mapresse : Monsieur le président, depuis l'allègement de vos mesures de détentions qui vous présentent aujourd'hui comme un homme libre donc l'objectif est de retourner en Côte d'Ivoire. Dans la constitution de la Côte d'Ivoire, il y a un article qui ne stipule qu’aucun ivoirien ne peut être maintenu en exil. Donc vu cet article, Est-ce qu'on peut dire que votre retour doit se faire sans condition préalable ?

Blé Goudé : Je vais être direct. On ne peut pas dire que mon retour en Côte d'Ivoire doit se faire sans condition. Je ne voudrais pas parler ainsi. Vous l'avez dit vous-même, cela fait plusieurs années que j'ai été absent de la Côte d'Ivoire pour des raisons judiciaires. Aujourd’hui, l'institution judiciaire qui a fait peser sur moi des soupçons et m'a soumis à un procès, m'a acquitté et me permet aujourd'hui de rentrer dans mon pays. C'est un fait. Mais vous venez de le dire mon pays a connu une crise très difficile, des cœurs sont meurtris. Il y'a un groupe qui me voit en ange et un autre groupe qui me voit en démon. Et ensuite, il y a des autorités en Côte d'Ivoire. Non, je ne peux pas descendre comme cela en Côte d'Ivoire. Je dois prendre langue avec les autorités de mon pays pour que je puisse savoir comment je rentre dans mon pays. Après plusieurs années d'absence, la Côte d'Ivoire a changé politiquement, elle a changé socialement, elle a changé sur beaucoup de plans. Je ne suis pas venu ici à un dîner gala, il y a une crise de confiance profonde entre ivoiriens au-delà des autorités. Moi, je pense que l'élégance africaine me recommande de m'en remettre à la décision des autorités de mon pays. J'ai exprimé clairement mon intention de rentrer en Côte d'Ivoire. Et j'espère que je serais le bienvenu chez moi. C'est vrai que je n'ai pas d'autres terres que la Côte d'Ivoire, mais est-ce que cela suffit. Entre le souhaitable et le possible, vous voyez qu'il y a un gap. Donc j'ai exprimé clairement mon intention de rentrer chez moi et j'attends la suite pour que je puisse prendre part moi aussi au processus de réconciliation dans mon pays et à la vie politique.

 

« Léguons à notre jeunesse, des règles, des lois pour la postérité. C'est important. »

 

Agence Bloomberg : Comment vous interprétez le fait que tous les candidats potentiels dont vous-même, sont de manière concrète exclus du scrutin présidentiel pour cause de décision de justice ?

Blé Goudé : Je voudrais donc dire que c'est tout cela qui me fait dire qu'on n'a pas tiré les leçons de ce que nous venons de vivre. Allez-y interroger l'histoire de la Côte d'Ivoire, l'histoire récente de la Côte d'Ivoire. Toutes les crises que notre pays a vécues ces 20 dernières années prennent leur source dans le refus de telle ou telle candidature ou dans l'exclusion de telle ou telle candidature. C'est un fait. Et le parti au pouvoir ne dit pas le contraire. Est-ce qu'on va recommencer les mêmes erreurs ? C'est ce que j'appelle tirons les leçons de notre passé récent. Et puis acceptons de léguer aux jeunes générations un pays avec des règles, avec des institutions impersonnelles qui puissent servir pour la postérité. Soyons des hommes d'État, mettons-nous au-dessus des ambitions immédiates, mettons-nous aujourd'hui au-dessus des ambitions des clans et construisons une action. Léguons à notre jeunesse, des règles, des lois pour la postérité. C'est important.

 

Innovation Afrique et Ras Médias : La CPI vous a rendu libre aujourd'hui après plusieurs années à la Haye. Donc vous vous préparez pour rentrer dans votre pays la Côte d'Ivoire. Selon vous, comment comptez-vous engager la réconciliation entre ivoiriens malgré toutes les blessures qu'ils ont eues ?

Blé Goudé : Je voudrais dire que tous nous sommes conscients de la situation que notre pays a vécue. C'est un véritable traumatisme sans précédent que la Côte d'Ivoire a vécu. Mais c'est dans ces moments difficiles qu'on voit la grandeur d'un peuple mais aussi des leaders de ce peuple. Vivre une crise, c'est vrai, c'est très regrettable. Je voudrais ici m'incliner devant la mémoire de toutes les victimes, saluez prompt rétablissement autant physique et moral à toutes ces victimes-là. Mais à la population ivoirienne en général. Beaucoup de nations ont traversé des situations difficiles, mais ont réussi à tirer les leçons de ces meurtrissures qui ont cimenté l'élan de leur développement. Les leaders africains, les leaders ivoiriens devront comprendre que la Côte d'Ivoire n'a plus besoin d'un autre traumatisme. Elle a plutôt besoin que ses fils et ses filles se rassemblent autour d'elle. Je n'ai pas de potion magique, je dirais que je suis un être humain, je voudrais juste en tout cas ajouter ma pierre à l'édifice. Un mot, une action, que dois-je faire ? Je ne peux rien faire seul. C'est ensemble, j'espère que nous allons réussir cet exercice difficile mais inévitable. Si nous voulons reconstruire la Côte d'Ivoire, on ne peut pas sauter la case pardon, on ne peut pas sauter la case réconciliation pourvu que nous ayons tous pris conscience de ce qui nous ait arrivés par le passé. Mais Je suis disposé moralement, je suis disposé physiquement pour apporter ma pierre à l'édifice.

 

Lagune info et Mapresse : Vous avez déclaré que la Côte d'Ivoire n'a pas besoin d'une autre crise. Vous avez demandé à ce qu'on tourne la page. Mais de là où vous êtes, aujourd'hui quand vous parcourez les réseaux sociaux, quand vous parcourez la Une des quotidiens ivoiriens, est-ce que vous avez l'impression que les ivoiriens ont vraiment tourné la page ? Est-ce qu'au vu des crispations, des écrits qu'on lit sur les réseaux sociaux et même à la Une des journaux, est-ce que vous avez l'impression que vous vous êtes entendus en ce moment par rapport aux déclarations de paix, de rassemblement que vous soutenez aujourd’hui ?

Blé Goudé : De ce qu'il m'est donné de lire, d'entendre, moi j'ai peur. J'ai peur pour la Côte d'Ivoire que 10 ans après nous n’ayons pas tourné la page, que 10 ans après nous n'ayons pas tiré les leçons de ce qui est arrivé à notre pays. Et pourtant avant nous, d'autres nations ont connu la guerre, d'autres nations ont connu des conflits... Mais pour pouvoir tourner la page d'un conflit, pour pouvoir reconstruire un pays qui a connu un conflit d'envergure comme celui que la Côte d'Ivoire a connu, tout dépend des leaders d'opinions, des leaders de la classe politique qui doivent tirer le wagon pour sensibiliser les différents partisans. Mais ici j'ai bien l'impression que tout ce qui compte pour les uns et les autres, c'est comment gagner les élections. La vie de la Côte d'Ivoire ne se résume pas à une élection.   Ceux que nous allons diriger sont meurtris, continue de se battre sur les réseaux sociaux.  Que faisons-nous pour leur indiquer la voie de la paix ? Pour leur indiquer la voie des retrouvailles ? L'Afrique du Sud est passée par là. Elle a réussi à rassembler ses fils. L’Europe elle-même est passée par là. L'Europe a compris qu'il valait mieux vivre sur un territoire de paix que de continuer à se battre. Moi je pense que cette crise n'est pas au-dessus de nos intelligences. Il manque une volonté politique. Mon souhait c'est que la classe politique prenne suffisamment la mesure de ses responsabilités pour ne plus conduire la Côte d'Ivoire vers une aventure sans issue. J'ai peur. J'ai peur pour mon pays. Et pourtant je ne désespère pas.

 

« Faisons un effort pour nous parler, faisons un effort pour faire la différence entre la soumission et les compromis politiques. »

 

Ivoire matin : Il y a le parti politique de Laurent Gbagbo qui est en train de tisser une alliance avec le PDCI d'Henri Konan Bédié. Quel est votre avis sur cette alliance qui est en train de se tisser ? Est-ce que vous partagez cela ? Est-ce que si vous rentrez par exemple en Côte d'Ivoire, vous allez rejoindre cette coalition de partis d'oppositions qui est en train de se mettre en place ?

Blé Goudé : Vous savez que dans notre pays, il est bon que tous nous comprenions ce que c'est que le jeu politique.  Deux partis politiques et non des moindres, le PDCI-RDA et le Front populaire ivoirien (FPI).  Le Président Laurent Gbagbo et le Président Bédié décident de signer ce qu'ils ont appelé un accord cadre de collaboration pour créer une alliance. Les raisons de cette alliance ont été rendues publiques. Moi je n'ai pas d'avis à émettre. Je suis président du COJEP, désormais président d’une coalition qui travaille à l'action citoyenne pour une conscience nationale, pour sensibiliser les électeurs, en tout cas à l’importance du vote pour faire en sorte que les élections se passent bien, c'est à cela que je veux travailler. Pour faire en sorte que ce peuple-là compte désormais et ses besoins soient pris en compte par les différents prétendants au sommet de L'État. Je n'ai pas à émettre un avis sur une coalition entre deux partis politiques responsables. Si je suis invité à cette coalition, dès le jour où les responsables des différents partis politiques dont vous venez de parler me contacteront, mon parti et moi, nous nous réunirons pour aviser. Mais pour l'instant, je n'ai pas de commentaire à faire.

 

Rfi et Africa Radio : Votre parti politique COJEP a signé le 28 Novembre 2019 le manifeste créant la CDRP, plateforme initiée par Henri Konan Bédié qui le préside. Comment s'explique votre choix d’adhérer à cette plateforme alors que la plateforme EDS dont le référent politique est Laurent Gbagbo existait déjà ? Est-ce par parce qu'il y a des difficultés relationnelles avec les cadres d'EDS notamment ceux du FPI ?  Pourquoi avoir créé le 13 Juin dernier une autre plateforme La voix du peuple alors que vous êtes déjà membre d'une plateforme non idéologique la CDRP et qui répond en quelques sortes à l’objet de cette énième plateforme ? Comment vous prévoyez travailler simultanément dans ces deux groupements ?

Blé Goudé : Je voudrais vous dire que la CDRP est une plateforme non idéologique à but non électoraliste. Le COJEP y a adhéré. La coalition La voix du peuple, mise en place, n'a pas du tout les mêmes objectifs que la CDRP.  La voix du peuple est une coalition citoyenne qui regroupe des associations qui ont décidé de mutualiser leurs voix pour pouvoir mener des actions citoyennes comme cela veut dire, faire en sorte d'éduquer, d'encourager, de sensibiliser le peuple à l’importance du vote. Nous n'avons pas pour objectif un jour en tout cas pour l'instant de nous battre. Notre action est limitée à la formation,  à travers des séminaires, à travers des rassemblements, à travers des actions de porte à porte... D'abord, pour ces temps-ci, encourager, sensibiliser les ivoiriens à aller se faire enrôler sur la liste électorale. Ensuite, quand cela aura pris fin, passer à une autre phase, la phase de la formation ; la formation à l'importance du vote, la formation à accorder sa voix à une autorité non pas sur la base tribale, non pas sur la base de quelques affinités, que ce soit plutôt sur la base d'un projet de société qui aura convaincu et qui prend en compte les besoins du peuple. Enseigner des valeurs est important. Et c'est à cela que nous voulons travailler au niveau de La voix du peuple. Je voudrais donc vous dire qu’en ce qui me concerne, j'ai été sollicité. Le COJEP et son leader prennent donc du recul et se mettent à équidistance de toutes les formations politiques, se mettent à équidistance de tous les candidats, et entend les rencontrer à temps opportun pour pouvoir scruter avec eux leurs projets de sociétés. Ce qu'ils prévoient pour le système éducatif, ce qu'ils prévoient pour la santé des ivoiriens, ce qu'ils prévoient pour la sécurité des ivoiriens, et j'en passe. Voilà notre objectif. C'est pourquoi les camarades ont mis en place cette plateforme et m'ont sollicité. Je compte me mettre entièrement à leur disposition et nous envisageons de faire en sorte que le maximum d'ivoiriens s’inscrive sur la liste électorale et qu'enfin nous puissions avec eux amener nos autorités à comprendre que c'est le peuple qui les met en mission. Ils ont l'obligation de savoir qu'au centre de toute leur action doit se trouver les préoccupations du peuple. Voici donc pourquoi La Voix du Peuple a été créée, les actions que La Voix du Peuple compte mener et vous allez nous voir sur le terrain dans les jours à venir.

 

Ape Ci : Nous sommes au terme de cet entretien, votre mot de la fin

Blé Goudé : Je voudrais dire aux uns et aux autres que si nous voulons construire une nation, si nous voulons que la Côte d’Ivoire reprenne sa place dans le concert des nations, il va falloir beaucoup de courage. D’un côté, panser les plaies de ceux qui sont meurtris, de l’autre côté, rassurer les pleurs, et cela ne peut pas se faire sans courage, c’est la responsabilité, c’est le rôle de la classe politique. J’en fais partie. Et ce jour, je voudrais dire que je me rends disponible pour faire ma part. Je suis un opposant, je continuerai de critiquer ce que j’estime n’être pas bien fait, je continuerai d’apprécier ce que j’estime être bien fait, et je continuerai de faire des propositions. Mais le plus important pour moi, ce n’est pas de gagner les élections, mais de créer les conditions d’une élection transparente, de créer les conditions d’une Côte d’Ivoire qui demain va prendre sa place dans le concert des nations. Je ne désespère pas bien que j’aie peur. Les propos du genre « non il n’y a rien, non il n’y a rien », je suis mieux placé pour vous dire qu’il n’y a jamais rien. Faisons un effort pour nous parler, faisons un effort pour faire la différence entre la soumission et les compromis politiques. Tout est fait de dialogue, tout est fait de négociation. Nous qui avons survécu à cette guerre, je pense que notre rôle est de créer les conditions d’une paix durable en Côte d’ivoire. Voilà mon message, voilà mon appel à la Côte d’Ivoire, je me remets aux autorités de mon pays et je souhaite rentrer en Côte d’Ivoire pour prendre ma place auprès des miens. Merci à M'ma Camara (Présidente de l’Ape Ci). On ne peut pas sortir d'une telle situation sans laisser parler nos plumes. Le vécu doit être rendu. L'histoire doit être écrite. On ne peut pas vivre une histoire comme celle-là, vivre une situation comme celle-là. Moi j'ai fait deux ans au Ghana, quatorze mois de détention au secret en Côte d'Ivoire, cinq ans et demi d'emprisonnement à la CPI. Ce serait ne pas être à la hauteur de mon devoir que de me garder de partager avec la jeunesse de Côte d’Ivoire, avec le peuple Africain, tous ces moments-là.  Par devoir de mémoire, par devoir de responsabilité, par devoir de vérité, j'ai presque fini d'écrire un livre qui va paraître dans les mois à venir.

 

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