Présidentielle 2020, alternance, 3ème mandat de Ouattara, ... : Pdci-Rda, attention danger ! Ce qui se prépare à la Maison du parti.

Le Pdci-Rda tient, dans trois jours, le dimanche 17 juin 2018, une importante réunion de son Bureau politique à Abidjan. Cette réunion, très attendue, est programmée dans un contexte politique marqué par le débat quelque peu tendu sur le parti unifié, l'alternance pour la présidentielle de 2020 et le probable troisième mandat du président de la République, Alassane Ouattara. Ces questions polarisent l'ambiance au sein du Rassemblement de Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), coalition politique au pouvoir, traversée par des spasmes à mesure qu'on se rapproche des prochaines échéances présidentielles. 

Alassane Ouattara, qui n'exclut presque plus la possibilité d'un troisième mandat en 2020, réclame la mise en place du parti unifié proposé par son allié et aîné, Henri Konan Bédié, lors de son discours d'octobre 2017 baptisé ''Appel de Daoukro''. Lequel discours a permis alors, au président de la République de rempiler pour son deuxième mandat en tant que candidat unique du Rhdp. Pour 2020, cependant, le président du Pdci a déjà affiché ses ambitions. Dans son appel de Daoukro, en effet, Henri Konan Bédié aura réclamé une alternance du Rdr pour son parti après avoir renoncé à la course pour permettre au président Ouattara de terminer sa course conformément à la Constitution d'alors. Depuis avril 2017, il a donné des orientations claires à ses partisans de travailler à désigner un cadre « militant actif » pour se présenter au nom de la coalition au pouvoir pour les présidentielles à venir. Echéances pour lesquelles, en attendant qu'il se détermine lui-même, Alassane Ouattara, lui, voit plutôt un successeur désigné par consensus au sein de la grande famille du Rhdp constituée en parti unifié.

La pression de Ouattarra

Ces dernières semaines, le chef de l'Exécutif ivoirien accentue d'ailleurs la pression pour que cette formation politique voit le jour. Il aurait demandé récemment aux ministres Pdci, embarrassés par la position ambiguë de leur parti, de se déterminer. Le week-end passé, c'est presqu'en chœur qu'on a vu la plupart de ces membres du gouvernement aller à la rencontre de leurs régions respectives pour prêcher en faveur du parti unifié. A la clôture du congrès du Rdr organisé à cet effet, le 5 mai dernier, le chef de l’État avait déjà donné des instructions fermes pour que les choses s'accélèrent afin de déposer les textes de cette formation unifiée au ministère de l'Intérieur pour sa formalisation. Dans le même temps, le président Ouattara a annoncé la formation d'un nouveau gouvernement à l'exclusion de toutes les formations qui n'auront pas pris leur ticket pour embarquer dans le train du parti unifié des Houphouëtistes.

Ces messages ont été bien perçus par certaines formations comme l'Udpci qui a organisé un congrès extraordinaire dans la foulée de celui du Rdr pour adhérer au projet. Mais, ce n'est pas le cas au niveau du Pdci-Rda ou Henri Konan Bédié et ses hommes continuent de jouer à la sourde oreille. Retiré à Daoukro, muré dans son silence habituel, le président du Pdci démontre bien dans ses actes qu'il n'est pas prêt à céder à ce chantage politique. Il affiche clairement ses positions sur ce projet d'unification. Un projet dans lequel il est loin de vouloir inhiber le vieux parti qu'il a reçu en héritage.

Des bruits du siège du Pdci

Attendu par Alassane Ouattara, qui veut connaître sa position officielle avant de former son nouveau gouvernement annoncé, le président Bédié traine les pas. Mais, il a fini par fixer une réunion du Bureau politique de son parti, en lieu et place d'un congrès, pour se prononcer sur le projet. Lequel a déjà fait l'objet d'un Accord politique signé le mois dernier entre les partis membres du Rhdp.

Avant cette réunion, qui s'annonce très déterminante pour la suite des débats, l'ambiance est aux préparatifs au siège du Pdci-Rda ou le Secrétaire exécutif multiplie les rencontres avec élus, délégués et membres des instances. C'est que Maurice Kakou Guikahué, confirmé dans son rôle de «micro » parlant au nom du président Bédié, ne veut laisser prospérer la question de l'unification qui divise sa famille politique. Certains cadres du Pdci ayant déjà pris fait et cause pour le projet aux côtés du président Ouattara, dont ils sont pour la plupart des collaborateurs.

 A en croire des bruits émanant des coulisses du siège du vieux parti, à Cocody, l'on ne devrait pas s'attendre à grand'chose de la réunion qui va se tenir le dimanche prochain. Selon des confidences d'un haut cadre de la direction, tout est en voie d'être bouclé à l'avance. Le président Ouattara a déjà devancé, sinon clos les débats, en indiquant qu'aucun parti ne disparaîtra pas dans le cadre du parti unifié. Le Bureau politique du Pdci se prépare à endosser cette position et à épouserrésolument l'idée de la grande famille en formalisation. Non pas en tant que parti politique, mais en tant que groupement de partis politiques. Ce qui n'exclut pas l'idée de l'alternance que le Bureau politique du Pdci pourra réaffirmer en appelant au soutien des autres membres du Rhdp en 2020 comme ils l'ont fait en 2015 pour le président Ouattara.

Cette posture met bien à l'aise Henri Konan Bédié et ses hommes, car si la direction du Pdci, tout comme le président Ouattara et le Rdr, veut bien continuer ce jeu de cache-cache en évitant de dégainer le premier, et d'être cataloguée comme la source d'une possible implosion de l'Alliance des Houphouëtistes. Il s'agit d'éviter d'exacerber quelque antagonisme que ce soit pour éviter de prêter le flanc ou de donner des arguments pouvant servir à répudier du prochain gouvernement les cadres du Pdci. Pour la formation de cette nouvelle équipe, du reste, certains ministres pourraient ne plus figurer sur la liste de la proposition de la haute direction du Pdci prête à sévir contre certains ministres.

Attention au syndrome de 1994

Le président du Pdci en a donné déjà des signaux, quand il a remanié son équipe de porte-parolat en débarquant de ce poste l'actuel ministre des Ressources halieutiques et animales, Kobenan Kouassi Adjoumani, en conflit ouvert avec son chef de Secrétariat exécutif sur la ligne du parti, en ce qui concerne le parti unifié. Adjoumani, qui se réclamait « les baffles » quand Guikahué se disait être le « micro », a été coupé de cette mission. Une volonté de Konan Bédié pour mettre de l'ordre dans sa communication. Le dernier fait en date, et non moins éloquent, aura été le débarquement à son poste de délégué communal du député de San-Pedro. Félix Anoblé aura eu tort, à son tour, de s'en prendre vertement au N°2 du parti, contestant même au Professeur Guikahué cette posture que lui reconnaît le président Bédié. Mieux, il a affiché clairement son parti pris pour le parti, y compris avec la disparition du Pdci. Là où Maurice Kakou Guikahué, se disant le relais du président Bédié, dit le contraire.

 Ce sont ces clans rangés qui se préparent à s'affronter dans les heures qui suivent, en redoutant qu'à l'instar de ce qui s'est passé en 1994 avec feu Djeni Kobina et son courant, ce bureau politique annoncé ne consacre une autre division du vieux parti. D'ores et déjà, certains cadres parlent de cette rencontre en évoquant l'idée d'une réunion de tous les dangers. Ils espèrent que tout va se passer dans la discipline et ne cachent point de sérieuses craintes que ce bureau politique ne déborde et fragilise encore le parti d'Houphouët-Boigny. Héritage déjà ébranlé par des saignées successives au cours des décennies passées et qui avaient vu naitre respectivement le Rdr, l'Udpci, et l'Upci. Des formations qui se sont retrouvées au sein du Rhdp aujourd'hui pour tenter de recoller les morceaux.