Nigéria : L'État de Droit, un Piège pour les Démunis
Au Nigéria, le concept d'État de droit, censé garantir l'ordre, l'équité et la stabilité, est devenu une douloureuse ironie. Affaiblie par les décisions contestables du pouvoir exécutif et le dysfonctionnement du pouvoir législatif, la justice elle-même a glissé vers la parodie.
L'État de droit au Nigéria n'est pas inexistant, mais sa nature est pervertie : il fonctionne comme un piège. Idéalement, un piège est un mécanisme pour appréhender les contrevenants. Au Nigéria, cependant, il est un instrument sélectif, dicté par les nantis qui s'en servent à leur guise, tandis que les démunis en subissent les conséquences les plus sévères. Pour comprendre la réalité nigériane, il faut mettre de côté la notion occidentale de la norme, où un crime est simplement un crime. Ici, tout dépend de l'identité de l'auteur et de la nature de la cible.
L'inégalité flagrante de l'application de la loi est mise en lumière par des affaires retentissantes.
L'affaire Segun Olowookere est l'illustration la plus médiatisée de la dureté du système envers les plus vulnérables.
En contraste saisissant, les puissants semblent bénéficier d'une immunité de facto.
| Cas Criminel | Accusations / Preuves | Résultat Judiciaire | Conséquences Politiques |
| Abdullahi Umar Ganduje (Gouverneur) | Vidéos de 2018 le montrant recevant des millions de dollars en pots-de-vin d'entrepreneurs, une preuve de corruption "irréfutable" pour l'opinion publique. | L'affaire a été neutralisée par des manœuvres juridiques, des arguments de compétence et des ingérences politiques, la réduisant à un scandale sur les réseaux sociaux. | Au lieu d'être tenu responsable, il a été propulsé en 2023 à la présidence nationale de l'APC, le parti au pouvoir. |
| Azeez Fashola (Naira Marley) (Musicien) | Arrêté en 2019 par l'EFCC pour des accusations documentées de cyberfraude (possession d'informations de cartes de crédit volées). | L'affaire a traîné pendant des années, avec ajournements et blocages multiples, sans aucune condamnation, clôture ni sanction significative. | Il a continué sa carrière florissante et a même été nommé ambassadeur par l'Agence nationale de lutte contre la drogue (NDLEA). L'affaire reste non résolue. |
L'ironie cruelle est que : plus le vol est important, moins l'auteur a de chances d'avoir affaire à la justice.
Le système judiciaire nigérian, censé être le gardien de l'État de droit, est un « chaos d'intentions mal placées ».
Le symbole de la justice est une femme aux yeux bandés, mais la réalité est tout autre :
Le système est tellement affaibli qu'il ne se préoccupe que du profit ; les droits humains et l'État de droit sont relégués au second plan, non pas nécessairement par ignorance, mais parce que le système n'a pas les moyens ni la volonté de les faire respecter face aux puissants.
Un proverbe populaire nigérian dit : « On ne peut pas chasser les rats de sa maison quand celle-ci brûle. » Cela signifie qu'on ne s'encombre pas de problèmes mineurs face à des problèmes majeurs. Au Nigéria, l'application de l'État de droit aux citoyens ordinaires est devenue une question secondaire face aux enjeux politiques et économiques des élites.
En définitive, l'État de droit est un principe connu et célébré au Nigéria. Cependant, son application effective reste un luxe que seuls quelques-uns peuvent se permettre d'exiger. Et ce sont ces mêmes personnes qui, en contrôlant les moyens de son application, peuvent choisir de le bafouer en toute impunité.
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