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L’analyse. La guerre ne se joue pas (encore) dans le cyberespace

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L’analyse. La guerre ne se joue pas (encore) dans le cyberespace
Dans la guerre que la Russie a lancée contre l’Ukraine, la bataille est aussi engagée sur le front cyber. C’est en tout cas ce que laisse penser le langage nourri de références militaires dont usent gouvernements (ukrainien en premier lieu), journalistes et cyberactivistes depuis quelques jours : annonce de la création d’une « armée informatique » par le ministre ukrainien de la transformation numérique, déclaration « officielle » de « cyberguerre » des Anonymous contre la Russie (suivies de revendications de cyberattaques contre les sites de médias et d’institutions russes) ; cyberattaques de hackers pro-russes (vraisemblablement bélarusses) contre des militaires et journalistes ukrainien·nes…

Plusieurs actions largement relayées ont pu laisser penser que la bataille sur le front numérique pourrait avoir des conséquences concrètes, voire décisives sur le terrain. La cyberattaque menée le 25 janvier par les Cyber Partisans (hackers bélarusses opposés à la guerre en Ukraine) contre les serveurs de la Société nationale des chemins de fers bélarusse afin de freiner le déploiement de troupes russes dans le pays en est un bon exemple. Mais les conséquences concrètes de cette attaque ne sont toujours pas connues – et il est très vraisemblable qu’elle ne soit pas parvenue à « paralyser les réseaux ferrés », comme annoncé un peu trop hâtivement par les médias internationaux.

Plus généralement, il se pourrait bien que la « cyberguerre »… n’ait pas réellement commencé. Malgré la rhétorique guerrière des groupes d’activistes en ligne, malgré les craintes alimentées par le cliché tenace du redoutable hacker russe, le nombre et l’ampleur des cyberopérations menées par les armées russes, ukrainiennes ou occidentales depuis le 24 février restent finalement faibles, et n’ont pas encore eu d’impact décisif (voire de réel impact tout court) sur le cours des opérations.

« Finalement, la prochaine guerre n’a pas été menée dans le cyberespace. Ou en tout cas, son début ne l’a pas été », relève – avec une référence un brin ironique à tous les rapports prospectifs sur ce à quoi ressemblerait « la guerre de demain » – l’ancien fondateur et directeur du Centre national de cybersécurité du Royaume-Uni, Ciaran Martin. Aujourd’hui professeur à l’université d’Oxford, il se dit, comme d’autres spécialistes, « surpris par le peu de place prise par les cyberopérations dans les premiers temps de l’invasion ».

Nombre d’observateurs et d’observatrices prédisaient que l’invasion serait précédée d’attaques numériques de grande ampleur visant les infrastructures ukrainiennes ? « Les quelques cyberattaques sérieuses menées par le Kremlin avant et autour du début de l’invasion relèvent plutôt de la campagne de cyber-harcèlement qu’il mène depuis une dizaine d’années contre le pays que d’une sérieuse escalade de cette dernière », assure Ciaran Martin. Quant aux attaques menées par les Anonymous ou autres groupes de hackers pro-ukrainiens, elles « peuvent embarrasser le Kremlin » mais « méritent difficilement le terme, souvent mal utilisé, de “cyberguerre” », poursuit-il.

Pourquoi cette « cyberguerre » n’a-t-elle pas (encore) eu lieu ? Peut-être parce que les quelques tentatives d’opérations récentes de la Russie ont été un échec, avancent la chercheuse Nadiya Kostyuk (Georgia Institute of Technology, États-Unis) et le chercheur Lennart Maschmeyer (École polytechnique de Zurich, Suisse) dans un article paru le 8 février mais dont l’analyse n’a pas été démentie par les débuts de la guerre.

Revenant sur les différentes cyberopérations menées depuis 2014 en Ukraine (sabotages du réseau électrique en 2015 et 2016, rançongiciels NotPetya et BadRabbit en 2017), ils concluent que les opérations cyber n’ont eu aucun effet perceptible sur les opérations militaires et n’ont pas influencé les gouvernants ukrainiens dans leurs décisions politiques – comme les Russes l’espéraient probablement. Si le rançongiciel NotPetya a eu des conséquences importantes sur l’économie ukrainienne (et mondiale), il a aussi valu à la Russie des condamnations et sanctions internationales.

Cette prudence sur l’existence d’une « cyberguerre » ne veut pas dire qu’elle ne finira pas par se produire. Le « leak » possible des données personnelles de 120 000 soldats russes, si son authenticité est confirmée (ce qui n’est pas encore le cas), pourrait en être l’une des prémices.

Elle ne signifie pas non plus que la guerre n’a pas eu d’effets sur le cyberespace. Il est devenu plus que jamais l’objet de batailles politiques, autour de la gouvernance mondiale d’Internet notamment (avec cette question : faut-il couper les réseaux internet en Russie ?).

Il est également l’objet de « coups » commerciaux de la part d’acteurs privés, comme le milliardaire Elon Musk, qui s’est empressé d’envoyer son service d’Internet par satellites, Starlink, au gouvernement ukrainien, qui craignait une coupure orchestrée par les Russes.

Le dernier effet collatéral de la guerre en Ukraine sur le vaste monde d’Internet prête, lui, à sourire : le célèbre groupe de hackers Conti, spécialiste des rançongiciels, se déchire depuis que ses discussions internes ont été rendues publiques. L’auteur de la fuite serait un membre pro-ukrainien du groupe qui n’a pas digéré la prise de position publique de Conti en faveur de la Russie.
Le brief Ukraine du 3 mars : Moscou et Kiev s’accordent sur des « couloirs humanitaires »

Le titre est de la rédaction
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