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Reportage/Axe Adjamé-Bingerville : Quand le racket des syndicats contribue à la hausse des prix

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Reportage/Axe Adjamé-Bingerville : Quand le racket des syndicats contribue à la hausse des prix
Hausse des tarifs de transport, désordre... Les conducteurs urbains, notamment ceux de la ligne Adjamé-Bingerville expliquent les causes de leurs maux.
Son visage dégoulinant de sueur, ses habits noircis par la saleté, Yssouf ne cesse de héler les clients. « Bingerville 500 F... ». Ce jeudi 18 août, au carrefour La vie, à Cocody, le jeune apprenti, âgé à peine d’une vingtaine d’années, recherche des clients, sous le regard inquisiteur des chargeurs communément appelés ‘’gnambros’’.

Le secteur du transport en Côte d’Ivoire, la force est la principale règle. (Ph: Sebastien Kouassi)
Le secteur du transport en Côte d’Ivoire, la force est la principale règle. (Ph: Sebastien Kouassi)



Dans sa quête de clients, Issouf insiste sur le montant de 500 F. Et pour cause, depuis quelques mois, les usagers constatent que le tarif du transport entre Bingerville et l’actuelle capitale économique est passé de 300 F CFA à 500 F.

L’ancienne capitale, une agglomération d’Abidjan, ne cesse de s’étendre. De nouvelles habitations et plusieurs projets de logements sociaux y ont vu le jour. Mais, contrairement aux autres agglomérations de la capitale économique, le principal moyen de transport public à la disposition des populations aux revenus modestes, pour rallier Abidjan-Bingerville, en dehors des autobus de la Société des transports abidjanais (Sotra), est le minicar couramment appelé ‘’gbaka’’.

Lorsque nous prenons place à bord de ce minicar, ce jeudi, aux environs de 17h, nous exprimons notre colère, face à la hausse du prix du transport. Mais, la réplique du conducteur est immédiate. « Nous souffrons. Aujourd’hui, nous travaillons pour les syndicats. Nous descendons le soir sans rien, la situation est intenable. C’est pourquoi, nous sommes contraints d’augmenter le tarif du transport », se lamente Salif, un chauffeur qui dessert cette ligne. La trentaine à peine, Salif indique qu’il doit payer un ticket de sortie à 1000 F chaque fois qu’il effectue un voyage à Bingerville. « Quand on arrive à Bingerville, on doit s’acquitter pour chaque voyage d’un ticket de 1000 F. Outre ce ticket, lorsqu’on charge, on doit encore payer 1000 F », fait-il savoir. 


A Adjamé, souligne-t-il, si le ticket est à 500 F pour chaque voyage, le chargement par contre est estimé à 2000 F par voyage. « Chaque fois que nous chargeons à Adjamé, nous payons comme frais de chargement 2000 F. Donc nous sommes obligés d’augmenter le transport d’Abidjan à Bingerville à 500 F contre 300 F précédemment. Les 200 F par passager revenant aux syndicats », explique-t-il, avec amertume. 


Salif ajoute que si le conducteur charge au carrefour La vie, le prix du chargement s’élève à 1700 F. C’est la raison pour laquelle, dit-il, aux heures de pointe, des conducteurs refusent de charger à Adjamé et roulent vide pour aller prendre des clients au Carrefour La vie. Cela en vue de gagner 300 F sur le chargement. Poursuivant, le conducteur justifie des actes de violence le long des voies publiques entre apprentis et ‘’gnambros’’ par le racket dont les conducteurs sont victimes. « Après avoir déboursé une partie de la recette comme frais de chargement dans les différentes gares, si à chaque arrêt, on doit encore mettre la main à la poche, ce n’est pas acceptable et l’intransigeance des ‘’gnambros’’ soulève le courroux de nos apprentis. D’où certains actes de violence », fait-il savoir.

Larissa, une passagère du minicar confirme l’inflexibilité des ‘’gnambros’’ qui amène des conducteurs à ne plus s’arrêter à certains endroits, pour prendre des passagers. C’est le cas au carrefour Neuf kilos. « Selon des chauffeurs, au carrefour Neuf kilos, il est convenu que pour trois passagers enregistrés, l’apprenti doit remettre 100 F au ‘’gnambro’’. Toutefois, il arrive que même pour un ou deux clients, le ‘’gnambro’’ exige les 100 F. Et lorsque l’apprenti refuse de faire droit à sa requête, il tente d’immobiliser le véhicule. Face à cette situation, des chauffeurs préfèrent éviter de stationner à cet endroit. Même son de cloche à l’arrêt de la Riviera 2 », témoigne-t-elle.

Quant à Samaké, un autre conducteur, il fait observer que les usagers se lamentent, sans apporter leur aide aux chauffeurs dans cette bataille contre l’ogre syndicat. « Si les populations dénoncent les augmentations abusives du prix du transport urbain aux heures de pointe, et singulièrement sur l’axe Adjamé-Bingerville, l’Etat va intervenir pour aider les chauffeurs qui souffrent aussi de cette situation », propose-t-il. 


Ce d’autant plus que, sur le même axe, le tarif du transport peut atteindre 600 F, voire plus, aux heures de grande affluence. Une information soutenue par Marina, étudiante à l’université Félix Houphouet Boigny de Cocody, une habitante de Bingerville. 


« Aux heures de pointe, c’est rare d’avoir un véhicule qui dessert directement la ligne. Du coup, les populations sont contraintes de prendre deux véhicules pour arriver à destination. Ainsi, d’Adjamé au Nouveau goudron, le transport coûte 300 F. En sus, de Nouveau goudron à Bingerville, il est fixé à 200F voire à 300 F en fonction de la demande. Il m’est déjà arrivée de payer 300F au lieu de 200 F de Faya à Après barrage, juste parce qu’il y avait du beau monde qui tentait de rallier Adjamé. Voici notre supplice », déplore cette étudiante.

Parlant des effets néfastes du racket des ‘’gnambros’’, un autre chauffeur déclare que ce phénomène contribue à favoriser des accidents sur les routes. « Les chauffeurs doivent payer trop de faux frais toute la journée, réduisant ainsi leur gain. Pour ce faire, afin d’engranger un peu de sou, après une journée de dure labeur, ils roulent à vive allure pour faire le maximum de voyage. C’est ce qui explique l’indiscipline des conducteurs avec pour corollaire des accidents spectaculaires. Que l’Etat intervienne », interpelle-t-il les pouvoirs publics. 



Il n’a pas tort, au vu des statistiques alarmantes des accidents de la circulation en Côte d’Ivoire. En effet, les données sur les accidents en Côte d’Ivoire révèlent environ 15OOO accidents de la route en 2021. Sur ce chiffre, Abidjan enregistre un taux de 67%. C’est dire qu’il y a urgence à agir, notamment au niveau du transport urbain abidjanais.

L’interpellation des conducteurs sonne donc comme une preuve de la culpabilité des ‘’gnambros’’ dans les difficultés des chauffeurs.

Le porte-parole des chargeurs se défend

Adama Yéo, dit Ado, porte-parole des chargeurs, balaie du revers de la main certaines accusations des conducteurs. A l’en croire, ceux-ci ne sont pas exempts de tout reproche. « Les chauffeurs sont eux-mêmes complices de l’anarchie aux abords des voies. Pour éviter des encaissements anarchiques à n’importe quel point de la route, nous leur avons dit de dénoncer les chargeurs qui se livreraient à ces pratiques. Mais, parfois ce sont leurs propres amis qui font cela. Lorsqu’un chauffeur ne roule pas, il vient se mettre sur la route ce jour-là pour encaisser ses confrères. Et c’est lorsqu’il y a un problème que ceux-ci viennent nous voir. Sinon, nos chargeurs ne font pas n’importe quoi », se justifie ce solide gaillard, la quarantaine révolue, assis sous un appatam à Adjamé-Liberté, lui servant de bureau. Puis d’ajouter qu’il y a des gares reconnues où les chargeurs encaissent normalement. 


« Nous sommes organisés. Une partie des sommes collectées comme frais de chargement est épargnée. Et lorsqu’un conducteur a des problèmes, il bénéficie d’un soutien financier. Une autre partie sert à payer les chargeurs qui aident à charger les véhicules dans les différentes gares», révèle-t-il. Puis de conclure que « ‘’gnambros’’ ne sont pas des voyous ».

Par ailleurs, pour le président de l’Union des fédérations de syndicats de conducteurs de Cocody (Ufesco), Raymond Soumahoro, la solution face à l’incivisme des chauffeurs réside dans la mise en œuvre de textes régissant la profession de chauffeur. « Depuis longtemps, nous attendons la mise en route de la convention collective des conducteurs. Une fois que ce texte verra le jour, nous les chauffeurs pourront vivre de notre métier », tranche-t-il.

Assurément, les causes de la hausse des tarifs de transport urbain et du désordre dans le secteur sont nombreuses, les solutions aussi !


Lire la suite sur https://www.fratmat.info/article/223753/societe/reportageaxe-adjame-bingerville-quand-le-racket-des-syndicats-contribue-a-la-hausse-des-prix

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