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Société

Paiement de primes aux mutins : l’histoire montre le danger qui guette la Côte d’Ivoire

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La révolte dans l’armée ivoirienne en début d’année 2017 et sa gestion font craindre un danger au pays, si l’on se réfère à l’histoire de la Cote d’Ivoire. Mamadou Koulibaly prévient donc à travers une analyse sur lesdites mutineries. Dans un pan de son analyse publiée le 23 janvier, l’ex-président de l’Assemblée nationale et président du parti politique Lider pointe du doigt ce qu’il appelle le « service-après-vente de la mutinerie » comme un des maux qui fragilisent la Côte d’Ivoire. Il dénonce la gestion de la crise en rappelant comment, depuis 1990, le copinage des politiques avec les militaires a détruit le pays.  

Le professeur écrit donc :

" Si le service après-vente de la mutinerie est convenablement servi, il devient abusif et peut provoquer l’écroulement de l’Etat. Se pose alors la question de la fidélité et de la loyauté des forces militaires aux politiciens au pouvoir, et celle des déstabilisations probables, lorsque ces politiciens entrent en conflit au sein des institutions ou lorsqu’ils ne représentent plus l’Etat.

Laissons tomber la période du parti unique et des relations fusionnelles entre le parti et l’Etat copiées sur le modèle de l’ex URSS. Regardons l’histoire des relations entre militaires et politiciens à partir de la Côte d’Ivoire nouvelle, celle du multipartisme inauguré en 1990. Cette période voit l’émergence de systèmes de manipulations des militaires par les politiciens à leur profit, et positionne en même temps les militaires comme des arbitres cupides du jeu entre des prétendants kleptocrates au pouvoir dans cette période de transition.

Regardons donc le vacillement continu de cette relation équivoque depuis 27 ans.

1990 : La paire Alassane Dramane Ouattara et Félix Houphouët-Boigny est aux affaires, lorsque le premier péché mortel est administré. Les 4.000 appelés du contingent qui refusent de partir de l’armée à la fin de leur service militaire et exigent d’être intégrés définitivement à l’armée avec une prime en hausse, calquée sur celle des loubards que le gouvernement utilisait pour maintenir l’ordre sur le campus, et la retraite unique à 55 ans. Les capacités opérationnelles et les équipements militaires vont en pâtir. Ouattara était là au commencement avec Houphouët-Boigny. Les militaires veulent participer au maintien de l’ordre et recevoir en compensation une garantie d’emploi et de l’argent.

1991 : Les militaires se permettent des exactions contre des civils dans les résidences universitaires de Yopougon, à la demande des politiciens. Le général Robert Gueï est envoyé, par Houphouët et Ouattara, pour maintenir l’ordre. Le gouvernement, encore fragile, demande une commission d’enquête qui conclut à la responsabilité des militaires, avec à leur tête le général Gueï, dans les exactions. Houphouët rétorque que lorsque son propre couteau le blesse, il ne peut le jeter et qu’il ne fallait pas que les politiciens donnent le mauvais exemple de livrer à la justice les militaires coupables. Dans cette ambiance de multipartisme naissant, des partis d’opposition protestent en 1992 contre cette attitude du gouvernement et leurs manifestations sont réprimées et les contestataires emprisonnés. Ceux qui décident sont un militaire et deux politiciens, parmi lesquels Ouattara. Le message principal de cette période est que, lorsque les militaires acceptent d’agir pour réprimer pour le compte des politiciens, ils sont bien rémunérés et toutes leurs demandes sont accordées en retour, même si elles passent par des mutineries. La mutinerie paye lorsque ceux qui la font ont, par le passé, rendu service aux politiciens. La règle du donnant-donnant s’instaure entre politiciens et militaires au sommet de l’Etat, jusqu’aux bases politiques et aux militaires de rang, comme nous le montrerons les mutineries qui suivront par la suite.

1995 : Henri Konan Bédié, alors Président de la République, demande à Gueï d’intervenir dans un processus électoral qui se présente mal. Le général refuse d’engager les forces militaires dans le maintien de l’ordre public. Il sera sanctionné et mis à la retraite, montrant ainsi que les hommes politiques qui nomment aux hautes fonctions de l’administration et de l’armée, peuvent sanctionner les chefs militaires qui refusent la connivence. Bédié et Gueï étaient là et nous l’ont montré. Ils connaissaient donc très bien, l’un et l’autre la question.

1996 : encore une fois, les appelés de la Garde Républicaine refusent, comme leurs devanciers de 1990, de partir de l’armée après leur service militaire. Bédié capitule devant 600 militaires qui sont alors maintenus en place, contre le règlement et la législation en vigueur en la matière. Le Président de la République croit ainsi acheter la connivence de ces militaires après l’élection difficile déroulée en 1995 et la montée du chômage qui attend les personnes non qualifiées et dont le passage dans l’armée n’a pas été une opportunité de formation et d’apprentissage de quelques métiers, parce que les moyens mis à la disposition par l’Etat sont essentiellement consacrés à la solde, aux baux et à la retraite des militaires, sans que rien ne soit consacré aux capacités opérationnelles, à l’équipement, à la formation et à l’acquisition de compétences nouvelles. Bédié était là. Il connait donc très bien la question lui aussi.

1997 : Bédié essaye d’imposer une réforme des armées, mais ses ministres de la défense et de l’intérieur qui cherchaient eux-mêmes à faire une réforme, ne semblent pas le suivre. L’activité clientéliste des chefs militaires en font les arbitres entre le Président de la République et son gouvernement. Et Bédié impose ses hommes à la tête de l’armée. C’est dans cette ambiance que les militaires ivoiriens ayant participé à des opérations en Centrafrique accusent le gouvernement d’avoir détourné leurs primes. Cette prime que Bédié refuse de leur payer leur donne un argument pour une mutinerie en 1999, qui va aboutir à l’effondrement de la République. Donc lorsque l’armée manque de capacité opérationnelle et que les politiciens au pouvoir ont des dissensions quant à la gestion de la clientèle militaire, le refus de paiement de la prime peut aboutir à l’effondrement du système et à de grande perte pour les politiciens. La disparation de la République de Bédié en 1999 profitera au général Guéï, qui instaurera une nouvelle République.

2000 – 2010 : La décennie ne fera pas exception à ces règles du clientélisme militaire par les politiciens. Avec les primes hors budget et les distributions rapides de grades, les politiciens abusent de l’outil militaire pour en tirer profit. Le résultat de cette pratique, c’est une armée divisée avec les rivalités entre unités et casernes et l’utilisation des militaires, soit comme mercenaires, soit comme miliciens à la solde de politiciens capables d’en payer le prix avec des derniers publics détournés de leurs objectifs budgétaires connus ou avec l’accaparement de ressources naturelles du pays confisquées.

A partir de 2000, ces divisions se feront sentir jusque dans les clans constitués par les militaires en révolte, avec des appellations remplies de symboles : Camorra, Brigades rouges, Kamajor, Cosa Nostra. Et tout cela se terminera avec une armée qui se donnera des pouvoirs économiques en politique en contrôlant d’abord entièrement l’Etat, puis à partir de 2002, en prenant le contrôle d’une partie du territoire grâce à une rébellion dans les zones CNO avec une structure étatique informelle, et loyaliste dans les zones sud, avec un Etat défaillant dont l’essentiel des dépenses étaient militaires. Dans tous les cas des figures, nous découvrons des gouvernements otages des forces de sécurité qui les aident à accéder au pouvoir, et les militaires qui deviennent de grands handicaps pour les gouvernements dont ils sont les enfants. Se marieront ensuite fumisterie et entreprise de communication pour faire croire que tous les problèmes ont trouvé solutions. DDR, RSS et LPN sont réalisés dans l’esprit des gens, jusqu’au jour où une mutinerie les rappelle à la réalité..."

Lire la suite sur Lider-org.ci

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