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Dévi, un roi chaman au Bénin

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Il est né simple paysan mais avec un fort caractère. Dévi est devenu roi pour avoir éliminé des bandits avec sa milice et ses pouvoirs de chaman. Une saga africaine qui débute dans la violence expéditive et finit en conte de fées. Ce glorieux patriarche de 62 ans, marié à 21 femmes, cultive son jardin avec sa soixantaine d’enfants.

Une interminable piste en latérite. Des motos qui zigzaguent entre les « nids d’autruche ». Des paysannes qui portent avec grâce d’impressionnantes charges sur la tête. Des ribambelles d’enfants rieurs. Moult églises locales aux appellations étranges. Des chèvres naines qui trottinent au milieu des poules... A priori, rien ne distingue Djakotomey des autres territoires du Bénin.

Pourtant, cette zone rurale qui compte 59 villages et 134 000 habitants peut s’enorgueillir d’héberger une célébrité nationale : Dévi Ehoun Zinsou, connu dans le pays sous le nom de « colonel civil Dévi » et, dans sa commune de Djakotomey, sous le titre de « roi Lokonon Sowada ». Un personnage haut en couleur et à tiroirs, qui coche toutes les cases de l’africanité et des stéréotypes associés. Paysan et éleveur dans la brousse. Chef d’une milice armée. Justicier pourchasseur de malfrats, protégé par ses fétiches. Prêtre vaudou et guérisseur. Polygame invétéré, mari de 21 femmes. Père d’une soixantaine d’enfants…

Difficile de rater Dévi en roulant sur la piste qui mène à son fief. Impavide, sa statue monte en permanence la garde près de sa demeure. Torse nu protégé par des amulettes vaudoues, ceint d’une cartouchière, solidement campé sur ses deux jambes, une casquette militaire sur la tête et un fusil dans les mains, c’est Rambo ! Le message est clair : si on le cherche, on le trouve. Le socle mentionne qu’elle a été inaugurée en 1999, l’époque de sa gloire. Vingt ans plus tard, le modèle de cette effigie guerrière se présente en bon père de famille. Un marmot dans les bras, une nuée d’autres collés à ses basques, l’ancien milicien a épaissi mais conserve fière allure pour ses 62 ans. Avec sa taille imposante, ses yeux perçants, il dégage une énergie peu commune. La statue à sa gloire ? « C’est la population qui l’a demandée et moi qui l’ai financée », assure-t-il. Le rencontrant pour la première fois, on s’enquiert du qualificatif dont il faut l’honorer. Monsieur Zinsou ? Colonel Dévi ? Majesté ? « Comme tu veux, colonel Dévi ça me va, c’est par mon travail de milicien que je me suis fait connaître. » Voilà un souverain qui fait fi du protocole…

Et pour cause, Dévi a été l’essentiel de sa vie un paysan. Il l’est encore à la fin des années 1990, quand des bandes armées sèment la terreur dans la région. Les malfrats, d’une férocité inouïe, volent, violent, torturent et tuent. « Tout le monde avait peur, ils attaquaient de jour comme de nuit. Ils prévenaient même les victimes de leur passage pour qu’elles leur préparent un butin », raconte Dévi. Quand son frère jumeau est assassiné, c’en est trop : il monte une milice afin de pourchasser les criminels jusque dans leurs planques en brousse. S’arrogeant le titre de « colonel civil », il sillonne les campagnes, organise la résistance et contrôle bientôt une petite armée de 500 combattants.

Sur les vidéos, on découvre un homme charismatique, ici haranguant les foules venues acclamer ses discours, là interpellant des suspects. Des prêtres vaudous l’initient et lui transmettent leurs pouvoirs occultes, et il arbore des amulettes protectrices qui confortent sa réputation d’invincibilité face à ses ennemis. Dévi aurait alors inscrit son action « dans la tradition des vigiles zangbétos, ces assistants des esprits vaudous chargés de veiller la nuit sur la population et de chasser les mauvais esprits et les voleurs », analyse l’ethnologue Tilo Grätz dans son livre sur les milices, « Domesticating Vigilantism in Africa ».

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