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Politique

Côte d’Ivoire : la liberté conditionnelle de Gbagbo, une « arnaque » pour ses partisans

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Côte d’Ivoire : la liberté conditionnelle de Gbagbo, une « arnaque » pour ses partisans

« Des acquittés en liberté conditionnelle, c’est du jamais-vu. Une arnaque. Tout cela, c’est pour les empêcher de rentrer dans leur pays. » Emmanuel n’entend rien cacher de sa colère, aussitôt rendue la décision de la Cour pénale internationale (CPI) concernant Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, qui leur permet d’être libérés, mais sous conditions. « Moi, je vais aller brûler le marché », menace le musculeux professeur de français, immédiatement rappelé à l’ordre par Darius Zogbe, le responsable local de la jeunesse du Front populaire ivoirien (FPI), le parti de Laurent Gbagbo.

A Gagnoa, dans la région natale de l’ancien président ivoirien et du leader de la Coordination des jeunes patriotes, l’annonce faite par la CPI, vendredi 1er février, a fait l’effet d’une douche glacée pour tous ceux qui espéraient une libération pure et simple des deux hommes, acquittés le 15 janvier des charges de crimes contre l’humanité commis durant la crise post-électorale de 2010-2011, née du refus de Laurent Gbagbo de céder le pouvoir à son rival, l’actuel président Alassane Ouattara.

Quelques minutes auparavant, la vingtaine de militants et cadres politiques baignaient pourtant dans une douce euphorie, portés par l’espoir de voir revenir Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé dans les prochains jours en Côte d’Ivoire. Alors que les bouteilles de bière se vidaient par dizaines, résonnaient les chants à la gloire du « Christ de Mama » et du « Génie de Kpô », deux de leurs multiples surnoms. « CPI, laisse Gbagbo, il n’a rien fait », entonnait un groupe d’adolescents, avant de reprendre le tube du moment Allons à Gagnoa, où il est question de celui que « la CPI connaît et si je ne dis pas son nom, le morceau ne sera pas doux ».

Ascenseur émotionnel

Les deux dernières semaines ont été un ascenseur émotionnel pour les partisans encore très nombreux de M. Gbagbo en Côte d’Ivoire. Il y eut tout d’abord la liesse de l’acquittement de l’ex-chef de l’Etat et de son ministre, puis l’incompréhension de la suspension de leur libération. Vient maintenant la frustration d’une libération conditionnelle.

Laurent Gbagbo ne pourra ni circuler, ni s’exprimer librement. Libéré vendredi soir, sous la garde des Pays-Bas le temps de rejoindre probablement la Belgique – qui a annoncé samedi avoir « accepté de l’accueillir » –, il ne pourra circuler, donc rentrer en Côte d’Ivoire, qu’avec l’autorisation de la CPI. Le temps que la procédure d’appel du procureur sur son acquittement, qui pourrait durer autour de dix-huit mois, soit conclue. Durant cette période, il ne pourra évoquer publiquement l’affaire en cours devant la CPI, il devra pointer chaque semaine auprès des autorités locales, et il ne pourra quitter sa nouvelle ville de résidence. « Encore une injustice inacceptable », se désole, depuis Abidjan, Laurent Akoun, le vice-président du parti de Laurent Gbagbo, tout en appelant au calme ses militants.

Près de huit années ont passé depuis l’arrestation, le 11 avril 2011, de Laurent Gbagbo par l’ancienne rébellion devenue armée nationale, aidée par l’armée française et les soldats des Nations unies. Trop peu, semble-t-il, pour effacer les rancunes politiques. Le président Alassane Ouattara n’a fait de la réconciliation une priorité affichée que ces derniers mois, et dans les paroles des uns et des autres filtrent encore les rancœurs nées des années de crise.

Au siège du FPI de Gagnoa, les cadres demeurent portés par l’espoir d’un retour aux affaires en 2020 de celui qui s’est vu « injustement arracher le pouvoir ». « Ce n’est pas dans les règlements de comptes que nous allons développer ce pays. C’est le message que nous a fait passer le président », explique Léandre Guika Diokri, le secrétaire général de la fédération locale, en parlant de Laurent Gbagbo, devant sa photo en tenue présidentielle et un portrait de carton à taille réelle. « Un président, poursuit-il, qui ne s’est jamais affilié à un groupe terroriste », dans une référence à Alassane Ouattara, perçu comme le parrain de la rébellion qui a éclaté en 2002 lorsque Laurent Gbagbo dirigeait la Côte d’Ivoire.

Les braises se sont refroidies, mais la rhétorique n’a guère changé. Si le pouvoir actuel joue publiquement la carte de la décrispation – cinquante-quatre personnalités pro-Gbagbo, dont d’anciens ministres, sont rentrées, le 31 janvier, de leur exil au Ghana – « le rétropédalage de la CPI », selon les termes d’un très proche d’Alassane Ouattara, a tout pour ravir les autorités d’Abidjan.

« La libération de Laurent Gbagbo n’est pas un enjeu majeur pour nous », affirme ce ministre, avant de se déclarer satisfait pour « les victimes humiliées par l’acquittement » et de conclure avec une pointe de délectation : « Le temps pourrait être encore long avant que Gbagbo revienne en Côte d’Ivoire. »

 
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