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Le fils de Pablo Escobar : “Pardon pour mon père”

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Le fils de Pablo Escobar : “Pardon pour mon père”
Samedi 12 décembre, il est seul, sur l’Avenida 9 de Julio, les Champs-Elysées de Buenos Aires. Sebastian – de son vrai nom Juan Pablo Escobar – rentre de son premier voyage à visage découvert à Bogota. En révélant son identité, il met sa vie et celle des siens en péril. Sa femme, une amie d’enfance colombienne, a dû rester en Colombie où son beau-frère vient de se faire tuer. En médaillon : Sebastian a grandi dans l’ombre d’un père sanguinaire, Pablo Escobar, responsable de plus 4 000 assassinats Thierry Gaytan / Archive familiale Escobar Aujourd’hui, il s’appelle Sebastian Marroquin et présente ses excuses aux familles des victimes du terrible chef du cartel de Medellin Il a décidé de retourner dans son pays et de ­révéler sa véritable identité. Pour laver le sang que son père lui a laissé en héritage. Sebastian Marroquin, un architecte de 32 ans, résident ­argentin depuis quinze ans, est en fait le fils de Pablo Escobar, le parrain des parrains de la ­cocaïne en Colombie. Le réalisateur argentin ­Nicolas Entel, lui a donné la chance de se réconcilier avec son passé. Il le convainc de témoigner dans son documentaire « Les péchés de mon père ». Mercredi 9 décembre, à Bogota, lors de la première du film, Sebastian a rencontré le sénateur Rodrigo Lara Restrepo, fils du ministre de la ­Justice assassiné en 1984 sur ordre d’Escobar. Il lui a demandé pardon. A lui et à tous les autres. Paris Match. Vous souvenez-vous du jour où vous avez pris conscience que vous étiez le fils de Pablo Escobar, “el Patron”, le chef du cartel de Medellin ? Sebastian Marroquin. Du plus loin que je m’en souvienne, on me l’a toujours rappelé. A l’école, tandis que la plupart de mes camarades jouaient pendant la récréation, moi, je devais m’expliquer. Une foule de gosses m’entourait pour savoir s’il était vrai que mon père lisait son journal assis dans un fauteuil en or massif, dormait dans un lit du même métal... C’était la grande époque du mythe Escobar. La célébrité de mon père était encore globalement positive, grâce à ses œuvres caritatives. [A Medellin, sa ville natale, Escobar offrait maisons, écoles, installations sportives aux plus déshérités.] Mais, très vite, j’ai entendu des récits moins glorieux. En quelle occasion avez-vous réalisé que votre père n’était pas un simple “commerçant” comme vous l’écriviez sur le formulaire de début d’année quand vous étiez écolier ? Je me souviens précisément du meurtre du ministre de la Justice, Rodrigo Lara Bonilla, en 1984. J’avais 7 ans et j’ai compris, ce jour-là, que rien ne serait plus pareil. J’avais vécu jusqu’alors l’existence presque ordinaire d’un petit garçon, avec un papa, une maman, dans une jolie maison du quartier El Diamante de Medellin – qu’une bombe placée par les ennemis de mon père [le cartel de Cali] détruira quelques années plus tard. Le lendemain de l’assassinat de Rodrigo Lara, je me suis réveillé dans une maison inconnue de Panama City, meublée seulement de matelas posés sur le sol, avec autour de nous trente hommes lourdement armés que je n’avais jamais vus. J’ai compris que quelque chose de très mal s’était passé, que mon père en était responsable et que ma vie serait différente pour toujours. Je n’allais plus à l’école, je ne pouvais plus sortir manger une glace ou me rendre au ciné. C’était un enfermement absolu. Je crois pouvoir dire que j’ai été enfermé durant toute la ­première partie de ma vie. Je n’ai expérimenté la liberté que fin 1994, lorsque nous nous sommes installés à Buenos Aires, après la mort de mon père. Avant cela, j’ai vécu l’existence de ­n’importe quel prisonnier. A cette différence qu’il s’agissait d’une prison dorée. Une prison en or, c’est toujours une prison. Nous avons vécu en des lieux et dans des conditions que bien des nécessiteux n’ont jamais connus. C’est le grand paradoxe de notre famille. Nous étions riches à millions et nous vivions comme des miséreux, sans cesse en cavale. Je me souviens d’un épisode où nous étions tous cachés dans une maison paysanne, sur les hauteurs de Medellin. Les policiers ont monté un barrage juste en face. Ils y sont restés une semaine et nous n’avions rien à manger. Tout ce que mon père avait conservé c’était deux sacs contenant chacun 1 million de dollars... Et nous n’avions même pas la possibilité d’acheter un morceau de pain ! Comment votre père vous expliquait-il la situation ? Il ne donnait jamais d’explications. Il décrivait ces événements comme un simple voyage, une aventure. Je ne peux me permettre la comparaison avec le film “La vie est belle”, mais cela ressemblait assez à ce jeu. Alors que tout n’était que chaos, meurtres, bombes, attentats, mon père me répétait : “Tout va bien, il ne se passe rien. Ne t’inquiète pas, demain nous allons acheter une nouvelle maison très jolie, et je t’achèterai aussi une petite moto...” Durant toutes ces années où il était pourchassé à la fois par le FBI, l’Etat colombien et le cartel rival de Cali, Pablo Escobar n’a eu qu’une obsession, qui a d’ailleurs provoqué sa perte : protéger sa famille. Comment s’y prenait-il ? En maintenant une “distance de sécurité” entre lui et nous. Depuis ce jour de 1984 où il est entré en clandestinité jusqu’à son dernier jour, nous n’avons plus jamais été une famille. Lui vivait dans la jungle ou dans des cachettes, souvent dans les environs de Medellin, et nous ne nous réunissions que ­rarement. C’était douloureux pour lui car il nous adorait. Mon père a été le plus grand assassin de l’histoire colombienne, mais le soir il était du genre à endormir ses ­enfants en leur chantant des comptines. Toute sa stratégie consistait à nous éviter les représailles promises par ses ennemis, des cartels de la drogue ou de l’Etat. Il faut convenir qu’elle n’a pas fonctionné. Quand des rivaux ont fait exploser l’immeuble Monaco où nous vivions, nous avons survécu par miracle : le cadre en aluminium d’une fenêtre a coupé en deux le biberon que prenait ma petite sœur ! Mon père n’a pas pu nous protéger. La violence qu’il a exercée s’est retournée contre sa propre famille. La vie est un boomerang. Si tu le lances avec amour, il revient avec amour. Si c’est avec violence, c’est plus de violence que tu as en retour. Ce qui frappe, chez votre père, c’est la contradiction entre le bienfaiteur et le criminel en série. L’homme qui finançait des dizaines de terrains de football à Medellin, pour que les gens puissent échapper à la violence et à la drogue, est aussi celui qui exportait des centaines de tonnes de cocaïne et menait une guerre qui a fait des milliers de victimes. Je n’ai jamais eu la possibilité de discuter de cela avec lui. Il n’était pas du genre à s’asseoir au petit déjeuner et à dire : “Passe-moi les céréales... Aujourd’hui, je vais faire exploser quelques bombes, qu’en penses-tu ?” Je me souviens seulement qu’il m’a convoqué un jour, quand j’étais adolescent, parce qu’il craignait que je sois tenté par les stupéfiants. Il m’a fait un cours magistral sur les différentes drogues, sur les moyens de les reconnaître si l’on m’en offrait. Il a conclu en disant : “A l’exception de l’héroïne, je les ai toutes essayées. Je ne consomme plus que de la marijuana. Si, un jour, la ­curiosité te pousse à goûter, je préfère que tu m’appelles et qu’on en prenne ensemble.” Mais je n’ai ­jamais été tenté par la drogue. Pourtant, j’avais tout à portée de main ! Pourquoi, en dépit des menaces, venir aujourd’hui en Colombie demander publiquement pardon aux victimes de votre père ? Je veux assumer la responsabilité de l’histoire familiale, aussi dure soit-elle, et avec le respect que je dois aux victimes. Parce que mon père m’a maculé de sang et que ces taches sont indélébiles. J’essaie d’avancer, avec le plus de dignité possible, pour faire en sorte que l’histoire ne se répète pas. Je suis bien placé pour dire aux jeunes que le narcotrafic n’est pas un chemin pavé de roses. La glorification des gangsters qu’ils voient parfois au cinéma n’est que le produit de l’imagination de scénaristes, très loin de la réalité. Je sais comment l’histoire débute, je sais aussi comment elle finit. Mon père est mort. Tous ses “associés” sont morts. Ils ont fait un tort irréparable à des milliers de familles. En leur demandant pardon, je ne prétends pas qu’ils renoncent à la justice, ni que nous devenions amis et sortions ensemble faire la fête. Mais je crois que le pardon permet de se libérer de son assassin, de soulager la douleur, d’évacuer la haine. Des familles aussi éprouvées que les ­Galan et les Lara, en acceptant ma deman­de de pardon – tout en reconnaissant que je ne suis pas responsable de la mort de leurs pères et maris – , ont eu un geste de grandeur pour la réconciliation de ce pays. Pour vous, qui était Pablo Escobar ? Un assassin qui était aussi mon père, le seul que je puisse avoir, dont je respecte la mémoire jusqu’où me le permet ma conscience. Un homme qui s’est fourvoyé, a gâché son talent dans le trafic de drogue. S’il avait choisi une autre voie, avec la vision qui était la sienne, il aurait été probablement un entrepreneur à succès. Et un homme respecté. source: Paris Match
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